À une semaine de la grand-messe cannoise, les sorties salles font carême mais organisent un sommet pour prêcher en faveur de leur paroisse.
Dans une semaine s’ouvrira le 78ᵉ festival de Cannes. Avec lui, s’ouvre la traditionnelle grande transhumance vers la Croisette du monde du cinéma. Par un effet de vases communicants, alors que toute l’industrie fait déjà ses valises, les salles de cinéma se retrouvent dès ce mercredi à la diète. Au programme, une semaine de sorties des plus improbables, de comédies comme Anges & Cie ou Coka Chicas, débarquées de nulle part et autres films sacrifiés façon bouche-trous, avant qu’une partie de l’armada des films cannois sortent en parallèle de leur présentation au festival.
Nuit blanche au sommet d’une œuvre absurde et intemporelle
Une semaine de cinéma plate donc, d’où émergent pour autant deux curiosités. À commencer par Rumours, nuit blanche au sommet qui a justement connu sa première à Cannes… L’an dernier. Le film de Guy Maddin a de toute manière un air hors du temps, que ce soit en se déroulant pendant un sommet du G7 ou en ramenant cette réunion de présidents à un esprit surréaliste libertaire des années 70. Résultat, une curieuse tambouille moquant des dirigeants en conclave mondain, face à une invasion de momies voir un cerveau géant sorti d’une série Z. Sous ce fatras bordélique, certaines flèches décochées à une sphère politique décrépie au point d’avoir des pulsions suicidaires visent juste. Tout comme la crainte de l’avènement d’une oligarchie de la tech, mais plus encore que ces présidents déconnectés du monde, Rumours, nuit blanche au sommet, se perd entre interminables élucubrations et détours vers un absurde à la Quentin Dupieux.
De mauvaise fois, mais habilement réac’
Moins inoffensif, De mauvaise foi se lance dans une autre forme de politique, plus insidieuse. Derrière la façade d’une comédie franchouillarde autour d’un notable qui tente de contrecarrer le mariage de sa fille avec un athée, s’amorce la croisade d’un cinéma déguisant son catéchisme en populaire rigolade de boulevard, nouveau fer de lance d’un producteur-distributeur spécialisé dans le cinéma d’obédience catholique. La chose est assez habile, via le très efficace abattage d’un Pascal Demolon en notaire roublard et mesquin, dans la lignée d’un Christian Clavier ou d’un Didier Bourdon, mais l’huile qui fait tourner les rouages comiques fait vite tâche quand De mauvaise foi s’avère, entre autres, complainte d’une bourgeoisie bigote ou apologie d’un lieu de pèlerinage tournée pendant une authentique réunion de jeunes chrétiens. Aussi réac dans le fond que les Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?, De mauvaise foi tient d’un sérieux cheval de Troie pour un nouveau type de comédie évangéliste s’abreuvant aux mêmes eaux bénites que les médias Bolloré. Il va falloir surveiller ses prochains avatars, pour s’assurer qu’elle ne passe pas de cinéma de niche à celui de chapelle très ardente.
Rumours, nuit blanche au sommet, De mauvaise foi. En salles le 7 mai.