Aujourd’hui, c’est la fête de la radio. Vive nous ! L’occasion de parler de ce que vous pouvez ressentir en nous écoutant et des sciences de votre imaginaire. Si vous fermez les yeux, que voyez-vous ?
Nous sommes un peu des raconteurs d’histoires et des convoyeurs d’images, on entretient votre imagination en vous plongeant dans nos sujets, dans ce qu’on veut vous faire connaître. Le lien qui nous unit, journalistes et auditeur·ices, se fait par les images orales, par votre imagination quand vous nous écoutez. Chaque jour, on soigne cette imagination, on vous décrit des lieux, les rencontre, les gens, les choses que vous imaginez ensuite comme bon vous semble et surtout, comme vous pouvez. On n’a pas tous·tes la même imagination !
Il y a quelques jours, on a vu ressurgir dans les pages de National Geographic un sujet qui nous touche : la subjectivité de l’imagination. On y (re-)découvre le phénomène de l’”aphantasie”, un fonctionnement de l’imagination différent.
Le test de la pomme : êtes-vous aphantasique ?
L’aphantasie concerne les personnes qui ne peuvent pas produire d’images mentales. Pour savoir si vous faites partie des nombreux·ses personnes aphantastiques, il suffit de fermer les yeux, en vous imaginant une pomme.
Posez-vous quelques questions : imaginez-vous le fruit posé ou flottant ? Voyez-vous sa forme, sa couleur ? Pouvez-vous le voir sous un autre angle ? L’imaginer croquée par quelqu’un ? Si ces questions vous paraissent compliquées et que vous ne voyez pas autant de détails, vous êtes peut-être aphantasiques.
Alors, rassurez-vous, ça ne fait pas de vous quelqu’un de moins créatif ou imaginatif, c’est simplement que votre cerveau fonctionne différemment, comme 2 à 6% de la population mondiale.
Adam Zeman, le neurologue qui a dévoilé l’aphantasie
La découverte est assez récente, mais ce phénomène existe probablement depuis la nuit des temps. C’est dans les années 2000, lorsqu’un professeur de neurologie, Adam Zeman, qui a reçu un homme venu lui demander de l’aide puisqu’il avait perdu sa capacité à visualiser après avoir été opéré du cœur. C’est le fait de constater le changement l’a alerté et l’a poussé à effectuer plus de recherches.
Lorsqu’en 2010, Adam Zeman publie ses recherches sur ce cas, il reçoit plein de témoignages qui disaient qu’en réalité, elles se reconnaissaient dans le cas du patient, mais n’avaient jamais eu de switch, d’accident. Elles avaient simplement vécu toute leur vie sans capacité à visualiser, naturellement. Le phénomène a donc été baptisé par Zeman, a-phantasie, du grec phantasia, désignant l’imagination ; puis reprise par la science. Il existe même aujourd’hui un site officiel dédié à l’aphantasie.
Les aphantasiques, un phénomène physiologique
Il y a encore des sceptiques, puisqu’il est difficile, quand on voit la pomme dans sa tête, de concevoir que d’autres ne la voient juste pas. Il a donc fallu faire des recherches plus poussées. Adam Zeman a par exemple constaté qu’en demandant à des personnes d’imaginer regarder le soleil, leurs pupilles se contractent légèrement, du fait qu’elles le visualisent. Sauf certaines personnes, aphantasiques, dont les pupilles ne bougent pas d’un iota.
Les scientifiques ont également comparé avec des capteurs les réactions face à des histoires et face à des images, et encore une fois, les personnes aphantasiques étaient plus touchées par les images que par les histoires.
Cette année, des IRM ont même comparé les connexions entre le cortex visuel et le cortex frontal. Les résultats montrent que les personnes aphantastiques peuvent visualiser des images, mais à une échelle trop faible pour qu’elles soient décodées consciemment.
L’imaginaire, une science propre à chacun·e
Il ne s’agit pas ici d’un déficit. Les aphantasiques pourraient économiser de l’énergie du fait de ne pas en dépenser à visualiser leurs idées et donc mieux la disperser dans les autres connexions neuronales.
Il existe en face un phénomène complètement opposé à l’aphantasie. 3% de la population est touchée par l’hyperphantasie, une imagination extrêmement vive qui s’accompagne de projections qui semblent entièrement réelles. Vous êtes peut-être hyperphantasique si au début de l’article, en imaginant la pomme, elle vous a parue tellement réelle que vous auriez pu la toucher. L’aphantasie, la phantasie, l’hyperphantasie… Il y a en réalité tout un spectre de l’imagination !