Il y a 10 ans, Neon Indian sortait son troisième album “VEGA INTL. Night School”, point d’orgue du genre chillwave entre synth pop, lo-fi et références nostalgiques aux années 70-80. Un luxuriant témoin de la fin des années 2010, intimement lié à la blog culture, resté un peu plus confidentiel que certains de ses contemporains.
Années 2010, États-Unis. Gossip Girl est passé par là, Twitter s’est largement démocratisé dans les milieux branchés et la blog culture vit les dernières années de son apogée. Un blogueur du nom de Carles, derrière le site Hipster Runoff (actif de 2007 à 2013), s’amuse à commenter les dernières sorties de la scène indie dans un style complètement relâché et satirique. Le blogueur n’hésite pas à inventer des mots pour décrire de nouveaux micro-genres, ensuite repris et popularisés par l’industrie de la musique.
La création ex-nihilo de la chillwave
Outre le néologisme “bloghouse” qui aura toute son importance dans la musique électro-dance, on doit à Hipster Runoff l’invention un peu hasardeuse du genre “chillwave”, utilisé pour la première fois en 2009 pour décrire le son du producteur américain Washed Out.
La chillwave est-elle sortie du chapeau ou désigne-t-elle précisément un sous-genre de la synth-pop ? Malgré ses origines satiriques, le terme est fortement associé à une esthétique estivale des vacances en bord de mer, à une production analogique lo-fi et à l’usage de samples. Autant d’éléments qui figurent sur les deux premiers albums de Alan Palomo et sa bande, aka Neon Indian, Psychic Chasms (2009) et Era Extraña (2011) qui rencontreront un certain succès.
Neon Indian est un groupe américain de musique électronique originaire de Denton au Texas. Son leader, Alan Palomo, est né à Monterrey au Mexique. Il arrive aux États-Unis à l’âge de 5 ans. Il baigne dans la musique dès l’enfance, son père Jorge Palomo étant une petite pop-star mexicaine à succès dans les années 70-80. Lui-même né en 1988, Alan Palomo restera très influencé par les sonorités pop de cette époque.
Un troisième album rétro-sexy
Dans VEGA INTL. Night School, Palomo utilise encore plus de samples et abuse avec goût des synthés 16-bits qui rappellent l’univers des jeux vidéo d’arcades.
Le premier single du projet, “Annie” sonne comme la bande-son officielle d’un été 2015 désormais lointain et fantasmé. Sur un rythme reggae infusé de synthèse sonore, Neon Indian court après un amour à sens unique. Le refrain martèle en boucle “answering machine, answering machine”, la petite musique du répondeur de cette Annie qui refuse de décrocher.
En parlant de répondeur, Alan Palomo avait imaginé une hotline pour la promo de VEGA INTL. Night School. En appelant le 512-643 VEGA les fans tombaient sur un répondeur des plus… sensuels, avec un “Hey there, sexy” typique de la culture meme. Les plus chanceux auraient même eu le privilège d’avoir Alan Palomo au téléphone, ou son alter-ego, le moins sexy Allan DeBarge…
Dans le bordélique “Smut!” Neon Indian s’attaque au thème du polyamour subi voire à ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui une « situationship”. Le son est dégradé, brouillon et plein de bugs. Alan Palomo chante un plaintif “Tell me, does it double your fun? / To be cruel?” en évoquant cet amour qui redevient célibataire une fois le soleil couché.
“Baby Eyes” est probablement le meilleur morceau de l’album. Profondément nostalgique des sonorités 70s Pink Floydesques, cette onzième track s’ouvre sur une intro au synthé complètement psyché. Un solo de guitare plein de fuzz et complètement glitché parachève le morceau et rappelle un certain groupe australien du nom de Tame Impala.
D’ailleurs, Alan Palomo cite volontiers Kevin Parker parmi ses influences. Mais, pour l’anecdote, les deux musiciens sont liés par un directeur artistique du nom de Robert Beatty, qui a bossé sur le cultissime Currents de Tame Impala sorti en juillet 2015, quatre mois avant VEGA INTL. Night School, autre projet qui porte la patte de l’artiste visuel américain !
Après ce troisième album, le genre chillwave se dilue peu à peu dans le grand bain de la pop électronique. Dix ans plus tard, l’écoute de ce projet rétro-futuriste se savoure volontiers et se dévoile plus que jamais comme une mise en abîme sonore de la nostalgie.
