Rêve américain ou miroir belge, le tout à l’ego est de sortie(s).
« The Brutalist » : une fresque monumentale qui scrute la face sombre du rêve américain
Le cinéma, c’est toujours une question de point de vue. Pour The Brutalist, Brady Corbet annonce d’emblée qu’il voit grand. La toute première image de son film est un logo oublié. Celui de la VistaVision, un format de prises de vues plus grand que le Cinémascope, élargissant l’image en faisant circuler la pellicule horizontalement. Il est né au milieu des années 50. Pas très loin de la période d’un récit suivant la reconstruction mentale d’un architecte hongrois ayant fui l’Europe nazie pour s’essayer au rêve américain. Le rêve de Corbet, acteur croisé chez Haneke, Lars Von Trier ou Bertrand Bonello, est de renouer avec le cinéma hollywoodien pour raconter, plus qu’un nouveau départ, la seconde naissance de l’Amérique, celle du capitalisme dévorant. Ce sera au travers du chantier colossal d’une mini-cité commandée à l’émigré par un richissime industriel. Plus les murs s’érigent, plus la relation entre les deux hommes se fissure, le mécène se dévoilant à la tête d’un clan familial de prédateurs. Corbet construit autour d’eux une œuvre somme, sorte de roman national américain comme il n’y en avait pas eu depuis There Will Be Blood ou le Coppola du Parrain 2. D’autant plus impressionnant que réalisé avec un budget minime, The Brutalist renoue avec le souffle épique de ces grandes fresques opératiques comme leur capacité à scruter la face sombre de la civilisation moderne.
« Strip-tease intégral » : une collection d’ego-trips pour rhabiller le regard
À leur manière, les belges de Strip-tease intégral font eux aussi dans la dissection de la société. Au cœur des années 80, cette émission avait transformé les codes du documentaire télé, par de saisissants portraits de spécimens humains. Pour fêter ses quarante ans, la revoilà au cinéma avec un film compilation de cinq reportages, passant les mœurs des années 2000 à la loupe. Immersion chez des influenceuses à Dubaï, une singulière famille d’écolos, un hypo-hypercondriaque ou une stand-uppeuse amatrice, Strip-tease intégral joue plus que jamais d’un effet miroir quand le point commun à ses segments est la résurgence de l’apparence et du narcissisme. Toujours sur le même modèle d’un filmage sans commentaire, cette collection d’ego-trips s’en permet pourtant un via un fil rouge menant à une estomaquante dernière partie, affirmant que l’exhibitionnisme somatique généralisé touche désormais littéralement jusque dans nos chairs. À la télé, Strip-tease intégral avait pour slogan, « l’émission qui vous déshabille ». Au cinéma, elle vient de rhabiller le regard documentaire par un mélange de sidération et de compassion, sur l’ordinaire de l’époque, entre vanités et quête de reconnaissance.
The Brutalist, Strip-tease intégral. En salles le 12 février.