Jean Rouzaud a lu le « livre-exploit » de Richard Gaitet.
Richard Gaitet anime la Nova Book Box tous les soirs sur Nova. Il a le bureau à côté du mien. Il est grand, blond à lunettes , un côté « college boy » à l’américaine, un comble pour un littéraire d’origine lyonnaise.
Il m’a fait dire plein de choses dans son émission, et même invité à raconter de grands auteurs, façon télégramme, à 100 à l’heure, car on peut aimer sans révérence, apprécier sans soumission.
L’été dernier, il a signé pour un livre « exploit » : faire l’ascension du Mont Blanc, alors qu’il n’est en rien un montagnard. Mais pourquoi ? L’appât du gain ? La frime ? Le défi ? La punition ? Une erreur de jeunesse ? Un peu de tout ça…?
Car je connais les lieux dont il parle autour de Chamonix (Brévent, vallée blanche…) où, depuis des décennies, de pauvres amateurs vont connaître les sueurs froides et les mauvaises chutes !
Sueurs froides
Il avait déjà écrit des aventures, mais avec un sens heureux de la dérision, décrivant Mykonos en hiver comme un « trou perdu » (au sens propre ?), ce qui ne manque pas de saveur, vu la réputation festive de ce mythique ilot grec.
Cette fois c’est sérieux, et notre téméraire Richard va suer, souffrir, se faire chahuter, prendre en main par des pros, et par un guide qui reconnaîtra sa ténacité, mais peut-être pas ses capacités…
Chaque année, des gars comme lui vont mesurer la longueur de leur virilité, et même des filles par paquet s’essaient au « girl power » sur des pentes glissantes ou sous des chutes de pierres aussi traitres qu’imprévisibles.
Il y a tant à faire dans le monde. Les exploits sportifs m’ont toujours paru dérisoires et les champions de super masochistes dont la gloire n’a d’égale que la souffrance, sans parler de leur pulsion de mort… (aujourd’hui plus ou moins reconnue).
Gonzo
Mais bon, il aura fait l’expérience, il « saura » un peu mieux de quoi il parle concernant la montagne, même s’il préfère la mer, et il est vrai que mon collègue Richard a un grand sens de l’ironie, de l’autodérision et même de la provocation, ou encore du subtil plaisir un peu pervers à prendre un risque réel.
Si comme lui vous avez le coup de tête très répandu, de vous coltiner les « lieux hostiles », régions sauvages et autres mauvais plans pour citadin qui cherche l’émotion, alors régalez-vous de ses ampoules, courbatures, frayeurs, humiliations devant les pros, comme si vous y étiez.
Je dois ajouter que dans cette même maison Nova, le mensuel Actuel (deuxième formule : 1979 -2005) , contenait beaucoup d’articles sur le modèle « Gonzo », genre « j’ai fait ceci ou cela », une immersion dans une aventure (1). Ce virus journalistique de l’aventurier a donc été un bout de l’ADN de cette maison , ce qui remet Richard Gaitet dans une certaine tradition.
(1) NDLR – La rédaction d’Actuel a notamment réalisé les reportages gonzos : « en immersion chez un dictateur au Nigeria », « je me suis déguisé en émir pour acheter en France », « j’étais avec les talibans en Afghanistan », « je me suis déguisé en lycéen pour m’incruster dans une classe », « je me suis déguisé pendant 3 mois », « je suis devenu danseur de flamenco » (signé Jean Rouzaud), « j’ai essayé des médocs », « je me suis déguisé en Elephant man »…
Tête en l’air. Un blanc bec au Mont Blanc, par Richard Gaitet (Éditions Paulsen), 280 pages, 19,50 euros
Visuel : (c) René Ghilini