Scandale musical ou trip visuel, les sorties de la semaine n’oublient ni le son, ni l’image.
Un biopic en fable amusée et amusante : Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar
Les biopics de chanteurs, c’est un peu comme la fashion week : ça ne s’arrête jamais. Après la salve quasi ininterrompue de l’automne puis de l’hiver dernier, la saison repart avec celui consacré à Milli Vanilli. Cela dit, l’histoire de ce duo qui enchaina les tubes sans en chanter une seule note avait de quoi attirer les scénaristes. Ceux de Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar, ont été bien avisés de ne pas tant y raconter le parcours de Rob Pilatus et Fab Morvan que d’aller explorer les coulisses peu reluisantes du milieu de la musique des années 80. L’histoire de cette arnaque au son ayant déjà fait les choux gras de documentaires, la bonne idée ici est de la regarder en surplomb, faire de Pilatus et Morvan des narrateurs au regard désabusé sur leurs avanies et surtout s’intéresser au Deus ex machina de l’affaire, le producteur allemand Frank Farian, autant machine à hits qu’escroc. Le tout pour rappeler que cette histoire fut autant une affaire de show que de business. Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar en reprend la morale : en apparence récit classique d’un miroir aux alouettes, ce film plus doux-amer que cynique tend vers une fable amusée avec Pilatus et Morvan en agneaux confits, Farian en renard, mais plus encore une foule crédule et séduite en dindons de la farce, confirmant que décidément tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Longtemps mise au placard, la gothique et philosophique forteresse noire rouvre ses portes aujourd’hui
En 1983, cinq ans avant que Girl, you know it’s true, le tube en play-back de Milli Vanilli s’empare des radios, Michael Mann faisait appel à Tangerine Dream pour se charger de la musique de La forteresse noire. Loin du cinéma urbain qui fera sa renommée, Mann fait lui aussi dans la fable, plus ancestrale en transposant le combat éternel du Bien et du Mal dans une Transylvanie où une escouade nazie délivre malgré elle un démon. Œuvre singulière, La forteresse noire s’abimera surtout sur le champ de bataille entre Mann et la Paramount, qui imposera la sortie d’un montage rétréci, renié par un réalisateur meurtri par l’expérience. Pour autant, même dans cette forme tronquée, cet étrange objet, mi-film d’horreur gothique, mi-philosophie sur les racines du fascisme, est traversé de moments hallucinatoires, conjuguant la splendeur visuelle d’un Ridley Scott et esprit cauchemardesque des textes d’un Lovecraft. Longtemps mis au placard, La forteresse noire rouvre aujourd’hui ses portes. La patine du temps affirme ses imperfections de jeu, mais son impressionnante créature, designée par Enki Bilal, ou les stigmates et les tourments existentiels du futur réalisateur de Heat ou Collateral, sont restés intacts et fascinants. Au point d’apparaître plus de quarante ans plus tard, y compris dans ses défauts, comme peut-être son film le plus personnel.
Milli Vanilli, de la gloire au cauchemar, La forteresse noire. En salles le 14 mai