Le boycott de la majuscule semble culturel : de nos sms aux playlists spotify, la Gen Z semble utiliser les majuscules POUR CRIER PAR TEXTO plutôt que pour commencer une phrase.
Ce lundi 12 mai, nous avons vu passer une petite vidéo de deux sensations musicales sudaméricaines : CA7RIEL & Paco Amoroso (qui avait explosé avec leur format Tiny Desk), qu’on voit jouer avec le musicien électro et multi-instrumentiste anglais Fred Again.. .
On imagine déjà le featuring, et une question nous vient à l’esprit : comment vont-ils écrire le titre ? en capitales majuscules ou en minuscules ? Fred Again.. écrit maintenant les siens en minuscule, au point d’avoir quasiment lancé une mode. Alors que ceux de CA7RIEL & Paco Amoroso sont tous en majuscule, non négociable.
La mode musicale de la majuscule
Cette question est illustratrice d’un phénomène plus profond et large que les artistes en question. Si la mode des majuscules revient à petits pas en musique, les minuscules restent encore LE truc de cool kids. Par exemple, les artistes Artemas ou Billie Eilish l’utilisent presque exclusivement dans leurs sorties musicales, ou même André 3000, qui dans son album d’il y a quelques jours, 7 piano sketches, n’a pas dégainé une seule majuscule.
Un boycott générationnel de toute forme de ponctuation ?
Au-delà de la mode musicale, il semble naître une nouvelle forme d’écriture qui modifie les échanges chez les cool kids de tous les horizons, ado’ ou jeunes adultes, avec un boycott collectif des points et des majuscules.
Peut-être que vous le pratiquez vous-même, avec cette sensation qu’un point rend l’échange textuel froid, dur et sévère, et que les minuscules sont plus sincères, spontanées et rendent le message plus fluide.
La majuscule, une lettre rejetée depuis le Moyen Âge
Même si notre alphabet est pratiquement le même depuis l’aube de l’alphabet latin au VIe siècle avant J.-C., on l’utilisa de bien des manières ! La Gen Z n’est d’ailleurs pas la première à boycotter la majuscule.
Déjà au siècle dernier, l’écrivaine féministe bell hooks choisit de ne pas capitaliser son nom. Ce n’était pas qu’une question d’esthétique, comme on pourrait le justifier aujourd’hui. Ce fut un acte politique. Remettant en question les hiérarchies et rejetant la formalité, elle chercha ainsi à détourner l’attention de sa personne pour la recentrer sur ses idées.
Bien avant le XXe siècle, la majuscule incommodait. La minuscule fut inventée au Moyen Âge, notamment sous le règne de Charlemagne. Les moines, qui recopiaient les textes sacrés à longueur de journée, rencontrèrent un problème : le parchemin coûtait cher, et les majuscules prenaient trop de place. Alors, on inventa les minuscules dites “caroline”, autour de 780 après J.-C. Mais attention, pas de compétition entre les deux formes de lettres ! Au contraire, le philosophe Roland Barthes nous dit qu’ainsi “la majuscule prit du “sens” (comme on prend de l’âge). Ce sens a été celui de l’emphase, de la majesté, de l’essence”
Bon, il semblerait que cette dignité soit un peu trop sérieuse pour la Gen Z. Soit leur texto sont gentils et mignons, tout en minuscule, soit TOUT EN MAJUSCULE POUR HURLER (AVEC UN SUPPLÉMENT PONCTUATION !!!)!