L’interdiction collective de pactiser avec l’extrême droite semble être aujourd’hui complètement dépassée. On dine, on serre la pince, on prend un café… Comment en est-on arrivés là ?
“Le cordon sanitaire”, concept de Jacques Chirac, c’était l’interdiction pour la droite de s’allier avec l’extrême-droite. Lorsque Jacques Chirac est devenu premier ministre, il avait même interdit à sa majorité de parler à des membres du Front national. Ben la France semble avoir coupé le cordon…
Il y a le baiser du diable, voici le café du diable.
Lundi, on a appris une info qui accélère encore un peu plus la normalisation du rassemblement national. Le guide suprême de la droite, son gourou Nicolas Sarkozy, a accueilli dans son bureau parisien Jordan Bardella et a pris un café avec lui.
L’entourage du président du RN a qualifié ce rendez-vous de “courtois et chaleureux.” Ce rendez-vous qui était soi-disant “secret” ne l’est plus. Et même si ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui a annoncé la tenue de ce café, l’ex-président, chevronné en matière de jeux médiatiques, savait très bien que ça fuiterait.
Ces rendez-vous, semi-privés, entre la droite « traditionnelle » et l’extrême-droite sont de plus en plus assumés.
Peut-on rendre l’extrême droite sympathique en une poignée de main ?
Le dernier rendez-vous en date, c’était Edouard Philippe, avec Marine Le Pen. C’était il y a un an. C’est Gilles Bouleau, au JT de TF1 qui lui posait la question.
“Je la connais peu” ? Sacré argument dis donc.
Ce qui frappe dans cet extrait, c’est la décontraction avec laquelle l’ancien premier ministre assume ce rendez-vous, qu’il n’aurait jamais assumé il y a quelques années. Les déjeuners, dîners, cafés ou peut-être apéros loin des caméras conférent à ces rencontres un aspect plus amical, privé, intime, que les concertations officielles.
Dans ces-là, c’est toujours l’extrême-droite qui fait fuiter l’info pour montrer que derrière les discours hostiles à son encontre, elle se fait courtiser. Parfois, c’est même un piège qu’elle tend. Jean-Marie Le Pen, à Antibes, a serré la main de Jacques Chirac en 1987, photo des deux hommes en maillot de bain, tout sourire, qui a bien tourné ensuite.
Premier ministre à l’époque, Chirac se serait fait avoir et son entourage dit qu’il a accepté poliment la poignée de main. Le reste serait un piège : il n’aurait pas vu le photographe.
Toujours Le Pen, cette fois avec Bernard Tapie. Là, on n’est plus à droite, Tapie était membre du parti radical de gauche. Les deux se sont vus en 1993, dans l’entre-deux-tours des élections législatives. Là aussi, c’est Le Pen qui révéla ce rendez-vous inavouable pour l’ancien président de l’OM.
Et c’est ça qu’il faut déterminer avec ce café de lundi : est-ce Bardella qui se normalise ou Nicolas Sarkozy qui se radicalise ? On se voit autour d’un kawa pour trancher.