À quelques jours de Noël et de ce sempiternel marathon où il est question d’enchaîner sans sourciller fois gras, chapon et bûche plusieurs fois de suite, certains ont trouvé le temps de faire une dernière fois un peu d’exercice. Pour l’occasion, il fallait descendre une nouvelle fois le petit escalier au fer branlant donnant accès au Point Perché depuis l’entrée du Palais de Tokyo. Là, point de sapin mais un dancefloor strié par des bandes de couleurs noire et blanche au fond duquel trônait une imposante table habillée de platines cd et vinyles.
Ce soir-là, c’est Molly qui ouvrait le bal. La Djette affiliée au Rex, le célèbre club parisien, se prêtait à l’exercice de l’ « Interview Perchée » en expliquant d’une voix fluette qu’elle pourrait souffrir de vertige si jamais elle se retrouvait perchée à plus de trois mètres au dessus des platines. Terre à terre, l’amie Molly.
Dans la foulée, Dan Shake s’installait aux commandes de la soirée. Dan Shake, l’invité surprise.
À priori, à part quelques aficionados bien renseignés, personne dans la salle ne connaissait ce bougre briton avant qu’il n’atterrisse au Point Perché. Le jeune londonien est un newbie. Enfin, pas n’importe lequel : il est le premier DJ non originaire de Detroit a être signé sur Mahogani Music, le label du légendaire Kenny Dixon Junior, également connu sous l’alias Moodymann. Un parrainage qui ne doit rien au hasard. À l’aise dans un hoodie noir, Dan Shake s’est attaché à secouer rapidement le Point Perché en balançant une série de rythme rebondis empruntant à la house première génération tout en trempant dans un mélange disco-funk enthousiaste. Le Point Perché avait des airs de Paradise Garage new-yorkais ce vendredi soir.
Tandis que l’Anglais prenait la poudre d’escampette direction La Bellevilloise où il enchaînait sa soirée, Myd prenait la relève. Revenu depuis peu d’un long périple qui l’avait mené de Miami à Mexico en compagnie de ses amis du label Bromance, le DJ déroulait ce qui fait le sel de Club Cheval, le quatuor dont il fait partie, en bidouillant une techno lourde, fusante et nerveuse qui craquelait le sol du Point Perché. Une bande son du tonnerre agréablement ralentie en fin de parcours par l’éruption soudaine, à travers les enceintes, du flow brumeux et nonchalant du rappeur d’Atlanta Young Thug et de son bien nommé« Stoner ».
Point d’orgue de cette soirée : l’arrivée aux platines de Para One. Le DJ parisien, qui s’est récemment fait remarquer en réalisant la bande originale du film Bande de filles de Céline Sciamma, fondait son mix dans celui de Myd dans un bijou de transition. Il s’agissait là de gigoter jusqu’à épuisement sur une techno nocturne. Et dire qu’il n’était même pas minuit.
Puis, le public a pu continuer à s’encanailler le nez sous les machines de Para One, formant ainsi une masse mouvante qui faisait tanguer avec plaisir la salle.
Enfin, pour clore la soirée, Molly laissait teinter le clapotis minimal de ses vinyles. Pas question de vertige ici, mais de bonne musique. Cette fois, il était bien minuit. Pour ceux présents au Point Perché, il n’y avait plus vraiment d’heure. Comme à la fin d’un repas de Noël.
Crédits photo : Sarah Bastin