Celle qui règne à présent d’une main gantée sur la disco-pop française vient de dévoiler son très abouti premier album Matahari. Depuis 2012, la formation parisienne fait parler d’elle d’EP en EP, se construisant une place particulière dans le paysage hexagonal à travers une musique chaleureuse, référencée mais personnelle, qui trouve ici sa plus juste incarnation.
Tout commence quand Charles de Boisseguin, journaliste musical, décide de créer sa propre musique plutôt que d’écrire à propos de celle des autres. Entouré de musiciens tous issus du Conservatoire, il crée L’Impératrice, formation instrumentale vouée à réchauffer une scène pop tendant alors vers la froideur du synthétique. Majestueuse et discrète, la reine à six têtes joue d’un peu tout, notamment de claviers analogiques comme le Moog, dont les couleurs coulantes résonnent chez Boisseguin comme féminines (presque « pompeuses », dit-il) et donneront au personnage de L’Impératrice sa voix première.
Les premières saillies chez le petit label Cracki Records (chez qui opéraient aussi leurs amis et collaborateurs Isaac Delusion), pareilles à des bandes-son de voyages ou de films imaginaires, détonnent par leur élégance aérienne et leur fraîcheur estivale (on y trouvait aussi l’efficace Vanille Fraise, construit autour de ce fameux sample d’Anita Ward déjà repéré par La Cliqua). Mais c’est la rencontre avec Flore, chanteuse issue du jazz maintenant membre du groupe à part entière, qui donnera à L’Impératrice la voix humaine qui lui manquait.
On aura déjà parlé ailleurs des influences d’un groupe qui puise dans un héritage musical aux prismes multiples, évoquant le french boogie autant que la disco américaine, Francis Lai autant que Giorgio Moroder — le tout vu à travers l’inévitable filtre de la french touch. Ce brassage d’influences nous amène à Matahari, sorti au début du mois chez le label microqlima : un album qui cristallise le son de L’Impératrice tout en refusant de la cantonner à un seul genre.
Comme la sulfureuse espionne néerlandaise ici célébrée, L’Impératrice reste mystérieuse sur ses possibles identités, passant de la disco-funk taillée pour le dance floor (Matahari, arrangée par l’éminent producteur brésilien Eumir Deodato) à la pop anglophone (Dreaming of You), où l’on retrouve à nouveau la voix d’Isaac Delusion) . Le spectre d’Air flotte au-dessus de la cosmique Balade fantôme, tandis qu’ailleurs, les violons élégants de Masques semblent nous inviter au bal. Même si ses auteurs s’en défendront peut-être, l’album penche aussi vers un format chanson plutôt bienvenu, notamment avec le racé Erreur 404 ou le plus syncopé Paris (en ce moment en écoute sur notre antenne)
Aujourd’hui, L’Impératrice est donc cet être insaisissable et multiple, capable de nous faire danser autant que planer, sans jamais perdre cette grâce qui n’appartient qu’aux vraies monarques.
On vous offre des exemplaires de l’opus ! Jouez avec le mot de passe que vous trouverez ici.