Il y a des moments où les planètes semblent s’aligner. Le Sorcières de Mona Chollet a remis en avant cette figure proto-féministe pourchassée, brûlée vive, éparpillée façon puzzle par le patriarcat du bas Moyen-Âge et de la Renaissance, une traque au fondement du sexisme systémique de nos sociétés actuelles. Eh bien, des sorcières, il en sera aussi question (au moins indirectement) dans le film proposé ce mois-ci par la Lune Noire – emblème occulte s’il en est.
The Witch Who Came From The Sea, film réalisé en 1976 par Matt Cimber (The Black Six, Candy Tangerine Man, G.L.O.W, etc), avec Millie Perkins dans le rôle principal, est à ce jour encore inédit dans les salles françaises. Petit évènement que de l’y voir, donc, en séance unique sur les écrans du Cinéma Utopia – même si on pouvait déjà le croiser çà et là sur la Toile.
Mais qu’y lorgne-t-on, au juste, dans ce long-métrage ? Une serveuse californienne, Molly, tente d’éponger le traumatisme d’une enfance disons agitée (viols, inceste, ce genre de joyeusetés) en ressassant des fantasmes obscènes et violents, alimentés par les figures masculines viriles qu’elle voit à la télévision. Seulement, quand le rêve rejoint le réel, et que deux de ses victimes imaginaires sont assassinées « pour de vrai », Molly ne parvient plus à faire le distinguo. L’engrenage est lancé, et ce n’est pas la découverte de la Vénus sortie des eaux de Botticelli qui va arranger les choses …
Intégré aux Video Nasties (une liste de 80 films, dont Suspiria, Vendredi 13 ou La Nuit des Morts-Vivants, partiellement ou intégralement censurés en Angleterre pendant près de vingt ans) malgré son climat plus mental et surréaliste que réellement gore, The Witch Who Came From The Sea propose un audacieux mélange entre grindhouse d’exploitation pure et drame psychologique. Un film qui souffre parfois d’un manque de moyens, un peu oublié mais non dénué de qualités. Certaines séquences marquent la rétine, de même que la gravité du propos et l’inventivité formelle du film. Exemple : la photo de Dean Cundey (futur chef-op’ du Carpenter 80s et de Spielberg jusqu’à Jurassic Park), qui transforme la Californie en un no-man’s-land blafard. Les Beach Boys n’en reconnaîtraient pas leurs plages.
Et pour finir, quelle meilleure formule que celle écrite par les spécialistes de Monoquini (les initiateurs de la Lune Noire, si vous ne le saviez pas) : « Imaginez Roman Polanski tournant son Répulsion pour le compte de Roger Corman sous le ciel sans soleil de la Californie des 70s. » Si ça a titillé jusqu’à faire tilter votre curiosité, on parie une petite pile de billets Monopoly qu’on vous verra du côté de la place Camille-Jullian, sous les voûtes de l’Utopia.
Lune Noire : The Witch Who Came From The Sea, le dimanche 4 novembre à 20h45, au Cinéma Utopia.