Donald Trump s’est pris d’empathie pour une « communauté » de minorités : les blancs d’Afrique du Sud. Ils sont accueillis aux US comme des martyrs, statut démenti par les historiens, mais validé par l’IA d’Elon Musk, Grok.
Si vous écoutez nos matinales, vous vous rappelez peut-être quand on parlait des mots codés sur TikTok, des hashtags “cute winter boots” qui servaient à diffuser des informations sur des RAIDS des autorités de l’immigration un peu partout aux États-Unis… Trump multiplie les décrets pour expulser un maximum et dernière infamie en date : le ministère américain de la Sécurité intérieure envisage de lancer une télé-réalité, avec à la clé, l’obtention de la nationalité américaine pour les demandeurs d’asiles participants.
Donald Trump nous a pondu une nouvelle zinzinerie. “C’est un génocide dont vous ne voulez pas parler”, voilà ce qu’a martelé le président étasunien devant des journalistes, “il se passe quelque chose de terrible. (…) Nous avons donc donné la citoyenneté à ces personnes pour échapper à cette violence et venir ici. » Trump aurait-il retourné sa veste et décidé d’accueillir les gazaouis après les attaques de ce week-end ? Non. En réalité, le président étasunien parle ici de la seule minorité qui a désormais le droit au statut de réfugié aux US : les Afrikaners.
L’histoire des Afrikaners, ces colons du XXe siècle
Les Afrikaners, c’est le terme utilisé pour désigner la population blanche d’Afrique du Sud, d’origine néerlandaise, française, allemande ou scandinave. C’est un peuple descendant des colons qui s’étaient implantés dans la région et y ont instauré l’Apartheid.
Pour comprendre l’héritage de leur soi-disant persécution, il faut remonter dans l’histoire des Afrikaners. En 1913, le gouvernement colonial des US adopte le Native Lands Act, un texte qui dit que seulement 7% du territoire sud-africain doit revenir à la population noire. Les colons blancs possèdent alors 93% d’un pays qui fait deux fois la France. C’est un premier pas avant l’Apartheid, qui restera en place quarante ans, jusqu’au début des années 1990. C’est à cette période que Nelson Mandela est élu à la tête de l’Afrique du Sud. Depuis, son parti travaille pour répartir les terres, mais cela prend du temps : aujourd’hui, 72% des terres appartiennent encore à la population blanche, qui ne représente que 7% des habitants.
Le gouvernement sud-africain a ainsi récemment adopté une loi d’expropriation de ces propriétaires fonciers Afrikaners, avec négociations et compensations financières. La fake news d’une persécution, plus dramatique encore : d’un “génocide blanc” est alors née. Cette fake news s’est évidemment propagée, relayée par toute l’extrême droite étasunienne, et certains Afrikaners, mais pas tous.
Le 15 mai, il y a quelques jours, se tenait la foire de Bothaville, un évènement agricole d’Afrique du Sud réunissant tous les fermiers du pays. Le média d’actualité France 24 a réalisé un reportage sur l’évènement, dans lequel les récits des Afrikaners étaient divisés en période de polémique trumpienne sur la population. On peut ainsi lire que des Afrikaners s’indignent contre Donald Trump, parlant d’une “farce”, et affirment que les meurtres ont lieu entre hommes noirs, dans la ville, et qu’eux sont bien en sécurité dans leurs fermes.
Gorke, l’IA complotiste d’Elon Musk
Si maintenant, vous demandez à l’intelligence artificielle étasunienne Gorke de vous raconter l’histoire et le quotidien des Afrikaners, elle dira qu’au contraire, ils sont persécutés et assassinés dans leurs fermes.
Gorke est l’IA de X (ex Twitter) créée par Elon Musk, homme blanc né en Afrique du Sud, mais aussi l’actuel ministre de l’”efficacité gouvernementale”, qui multiplie les polémiques et les accusations de haine et de violences fascistes. Depuis quelque semaines, l’intelligence artificielle semble être victime de beaucoup de bugs : sollicitée pour diverses questions d’internautes, celle-ci ramène souvent le sujet au “génocide blanc” en Afrique du Sud, sans qu’il n’y ait de lien avec la question initiale. Gork a par exemple donné des informations sur cette théorie, complotiste, lorsque des individus demandaient simplement des photos de chiots, ou le salaire d’un joueur de baseball.
Le timing de ce “bug” alarme la toile par son lien douteux à l’arrivée il y a une semaine d’une cinquantaine d’Afrikaners sur le sol étasunien, accueillis par le gouvernement de Trump.
Cette histoire est encore un exemple de notre fameuse ère de la post-vérité (sur laquelle Juliette Arnaud a fait une chronique). On prie les deux loustics qui nous ont enfermé dans cet épisode de South Park néocolonial d’éteindre la matrice.