Entre Freak-show et appel à la tolérance, un film fort, aussi cru que noble.
Peu de gens connaissent les films de Philippe Barrassat. Normal: ils sont soit invisibles, pour diverses raisons de blocage, soit ils abordent des sujets qui font flipper. Pour aller au plus simple, on dira que Barassat fait du cinéma transgressif.
Et pourtant, ses films sont d’une étonnante pureté, d’une grande délicatesse. Ils abordent juste des sujets qu’on n’en finit pas de repousser dans la marge. Jusqu’à parfois malicieusement les cumuler, comme Indésirables, où il est question de précarité, de handicap et de sexualité.
Aldo, un infirmier au chômage, héberge deux amis de sa copine, des frères et soeur aveugles. Elle va lui comprendre que ce n’est pas parce qu’on ne voit rien qu’on a froid aux yeux. Lui, va lui proposer de monter un business, en monnayant ses services d’assistant sexuel pour d’autres handicapés…. pendant qu’il se branle en écoutant les ébats.
Scabreux, sordide ? Absolument pas. C’est plutôt la douceur, la légèreté avec laquelle Indésirables raccompagne la bien-pensance à la porte qui est troublante. Barassat filme son histoire comme un conte moderne, un peu comme si Aldo (Jérémie Elkaïm, tout en innocence) était une version masculine de Boucle d’or dans une cour des miracles, prêt à rendre tous les services par simple bonté.
Un sens du dévouement et de la compassion qui transforme des scènes hyper casse gueule (Aldo et trois de ses clients, une grande brûlée, une hystérique clinique et un hémiplégique) en tableaux exceptionnels, crus mais sulpiciens jusqu’à en être bouleversants.
Toute idée de perversion est estompée par l’idée d’un retour à des relations humaines dans ce qu’elles ont de plus égalitaires, de plus fusionnelles. Derrière ces images de corps meurtris que l’on console, c’est le plaidoyer pour une société qui admettrait la différence, repenserait la dépendance, qui s’esquisse.
Indésirables n’en revendique pas moins un côté grotesque, mais au sens primitif du terme, ce qu’on rejette par peur de le regarder, ce qui a été évacué par la norme. Au même titre, ce film n’a pas peur de la cruauté – dans un final dément qui fait des appels de phare à l’insurpassable chef d’oeuvre Freaks– qui bouscule tout autant en s’attaquant au concept de monstruosité.
Barrassat n’offrant pourtant à ses personnages physiquement cassés que la rare possibilité d’exprimer leurs frustrations, assouvir leurs fantasmes. Rien de bien méchant, quand le ton de farce, de foire sert toujours de filet de sécurité. Indésirables est au contraire parfaitement sain quand il ne prône qu’un épanouissement personnel, et conserve même un certain sens moral à sa fable qui a au minimum la grande qualité de se contrefoutre du politiquement correct.
Ou d’être bien moins putassier que le mercantilisme d’un 50 nuances de Grey. Indésirables ne ment pas et va jusqu’au bout de ce qu’il montre mais avec une sincérité quasi enfantine, une tendresse pour l’espèce humaine des plus renversantes.
En salles le 18 avril
PS: En parallèle, sort Folles de Rachid en transit sur Mars, un dvd regroupant les courts, aussi pop que subversifs, de Raphael Barrassat, et un de ses longs, Le nécrophile.