Cannes sous tension : la relation glissante du festival à la politique
N’en déplaise à son délégué général qui assurait en préambule lors de sa traditionnelle conférence de presse qu’« il n’avait pas vocation à faire de la géopolitique », le Festival de Cannes a toujours eu cet impact (rappelons qu’à l’origine, il n’était même que ça puisque créé pour contrer le festival de Venise initié par Mussolini). La 78ᵉ édition aura de toute façon du mal à y échapper, vu la période des plus tendues en la matière, des différents conflits en cours, de l’Ukraine à Gaza jusqu’à l’administration Trump qui menace de mettre à mal l’industrie du cinéma américain via de possibles tarifs douaniers sur les films. Un contexte où en dépit de sa puissance, Cannes marche sur des œufs. Pour preuve, l’ajout en toute dernière minute d’une journée consacrée à l’Ukraine qui s’est tenue en marge de l’ouverture mardi. Un corpus de documentaires récents, glissant entre un portrait de Volodymyr Zelensky et le quotidien d’une section ukrainienne, un troisième plus encombrant.
Notre guerre, carnet de bord sur la ligne de front n’est pas que le nouveau film de Bernard Henri-Lévy, mais surtout l’énième présenté au festival, en séance spéciale. Quoique l’on pense du philosophe à chemise dépoitraillée, ce statut d’invité permanent a rendu l’initiative de cette journée contre-productive. Si le discours officiel du festival assurant « l’engagement du Festival de Cannes et sa capacité à raconter grâce aux œuvres de cinéma les enjeux du monde, qui sont ceux de notre avenir » était déjà mis à mal par l’annonce en catimini de cette journée spéciale ou l’impression de vouloir s’en débarrasser en la reléguant hors (auditorium) Lumière, avant même une cérémonie d’ouverture qui se sera faite porte-voix véhément des inquiétudes actuelles, les interrogations quant à l’omniprésence de BHL auront fini de transformer le rapport au politique du festival en sparadrap du capitaine Haddock…