Dans les profondeurs de l’âme d’un musicien culte ou les hauteurs d’un acteur provocant, les sorties de la semaine sont sacrément perchées.
Dans les années 70, beaucoup d’artistes sont restés haut perchés par excès de défonce au buvard, de LSD. Robert Wyatt, est mal redescendu. En juin 1973, lors d’une fête, le batteur tombe d’un quatrième étage et perd l’usage de ses jambes. Sa tête, elle, est restée intacte et nourrira un album culte, Rock Bottom, pièce maitresse du jazz-rock expérimental. Maria Trénor revient sur sa conception dans un dessin animé éponyme mais surtout épris de la même liberté créatrice. Centré autour de la relation entre Wyatt et sa compagne Alfreda Benge, ce dessin animé combine forme psychédélique et récit de ce rapport amoureux tumultueux, voire destructeur. Ressusci-tant la contreculture hippie, Rock Bottom allie un graphisme de comic book à une palette de couleurs pop, quand il ne fusionne pas photographies et peintures à l’aquarelle. Autant de couches visuelles pour explorer l’esprit de Wyatt, voire se fondre en lui quand ce film s’imprègne peu à peu des paroles quasi-mystiques de ses chansons. Jusqu’à superposer scènes d’immersions sous-marines et plongée dans l’âme d’un poète singulier. Rock Bottom n’est pourtant jamais aussi vibrant que dans sa traversée d’une histoire d’amour passionnelle, faite d’étreintes et de déchirures, jusqu’à perdre pied avec la réalité. La part hallucinogène du film la rendant encore plus sensorielle.
La démarche de Raphaël Quenard pour I love Peru est moins spectaculaire mais tout autant existentielle. Dans la prolongation d’un court métrage en trompe-l’œil, ce faux-documentaire joue les équilibristes avec un véritable autoportrait de l’acteur, suivi dans un périple au pays des indiens Quechua, en quête d’un condor pour se re-mettre d’une rupture amoureuse. Sous ce pitch improbable, Quenard et son compère coréalisateur Hugo David élargissent le cadre d’un home-movie par une sorte de conversation franche entre les deux potes autour des vanités du monde du cinéma. Toujours sur une ligne de crête entre premier et second degré, I love Peru est éminemment casse-gueule à se maintenir entre potacherie narcissique jusqu’au désinhibé et réelle réflexion sur la part d’imposture de la célébrité. Quelque part entre l’aiguillon d’un Borat et l’absurde d’un Quentin Dupieux, il faut reconnaître une certaine audace à Quenard qui prend le risque avec ce film curieux de passer pour un connard. Mais aussi de semer un trouble rare dans une époque où règne le prêt-à-penser : quand Quenard se lance dans une ode à son trou de balle : est-ce pour assumer clairement en être un ou pour rappeler les compromis parfois nécessaires dans son métier ? Tel est le genre de question que pose ce film pas comme les autres, entre vérité de Quenard et traquenard désinvolte.
Rock Bottom x I love Peru. En salles le 9 juillet

