« The Head On The Door » de The Cure est le sixième album studio du groupe britannique. Comme un nouveau souffle, il marque l’entrée du groupe dans une ère pop au succès garanti.
Un son résolument plus pop
Quand The Head on the Door sort en 1985, The Cure traîne encore son image de maître du rock gothique. Un héritage sombre qui tranche avec la couleur pop des seventies. Mais avec ce sixième album, Robert Smith et sa bande renversent la table : mélodies lumineuses et énergie immédiate s’invitent dans leur univers, sans renier l’ombre qui les a façonnés. Et pour cause, l’album tranche avec l’atmosphère sombre, pleine de spleen, de ce que l’on appelle désormais The Top — le trio d’albums qui a véritablement fait connaître le groupe, caractérisé par des productions froides et minimalistes — à savoir la succession de Seventeen Seconds, Faith et enfin Pornography.
Résultat : une oeuvre charnière rassemblant autour d’elle toute une génération, la Cure mania est définitivement lancée.
Tout en gardant une touche de mélancolie, The Head on The Door brille par sa diversité musicale. Épaulé par le producteur Dave Allen, The Cure parvient à nouveau à se forger une identité, entre Synthpop et New Wave, qui caractérisent en ce début des années 80 un nouveau genre de rock alternatif, porté par exemple par des groupes tels que Depeche Mode qui, deux ans après The Head on the Door, sortiront Music for the Masses, autre révolution musicale.
L’alchimie magique
L’album paraît après une longue période d’incertitude et de fâcheries entre les deux membres clés de la formation : Robert Smith, leader indiscutable et Simon Gallup, bassiste du groupe, qui, autour de (quelques) bières et une écoute des démos du chanteur se réconcilient et offrent au Cure un nouvel équilibre. Porté par l’alchimie entre les deux compères, The Cure accueille également le batteur Boris Williams, auparavant aux côtés de Kim Wilde et Porl Thomson, guitariste des débuts.
The Head on the Door est marqué par une écriture plus débridée de Robert Smith, tant dans les paroles que dans les sonorités des morceaux. Il se plaît ainsi à construire la rythmique du titre « The Blood« sur des guitares flamenco, tandis que « Kyoto Song« , fidèle à son nom, y incorpore des mélodies et instruments issus de la musique japonaise.
Pour autant, le succès de l’album (qui s’est écoulé à pas moins d’1,5 million d’albums) tient surtout à l’efficacité de titres bien plus enjoués à l’instar de « Inbetween Days« , ouvrant l’album et qui permet à Robert Smith de faire glisser ses accords sur les quelques notes de synthés suspendues de Lol Tolhurst. Culte.
Dans la même veine, « Push« , pépite euphorique au tempo rapide, emballe tout sur son passage et laisse s’exprimer la guitare cristalline de Robert Smith. Peut-être l’un des plus beaux riff de l’album.
Tout en contraste
Mais le titre qui définira bientôt ce qui fait le son Cure aux yeux du grand public n’est autre que « Close To Me« , une sorte de pop légère, presque enfantine, arrangée autour de la voix confinée et apeurée de Robert Smith qui livre ici ses cauchemars les plus profonds. Un morceau tout en contraste, puisqu’au malheur criard du chanteur viennent s’ajouter quelques douces notes de clavier et les clappements de main synchronisés de Boris Williams. Le clip ne fait que prolonger ce jeu de miroirs : Robert Smith y hurle sa douleur, le sourire aux lèvres, pendant que le groupe bat la mesure comme si de rien n’était.
The Head On The Door est loin d’être la dernière excursion pop de The Cure. En juin dernier, à Glastonbury, Olivia Rodrigo invitait Robert Smith sur scène. La pop star californienne de 22 ans, tête d’affiche du mythique festival britannique, a repris devant des dizaines de milliers de personnes « Friday I’m In Love » et « Just Like Heaven« avec celui qu’elle estime être “l’homme le plus cool, le plus gentil et le plus merveilleux du monde.” Ou quand la rock star devient pop star par la force des choses.

