Omniprésentes dans nos vies, les pubs nous ont tous et toutes déjà marqué.es, à travers des images de promotion particulièrement frappantes… Peut-être que certaines des vôtres sont signées Oliviero Toscani. Le roi de la provocation, qui créait chaque fois l’événement avec ses nouvelles campagnes, nous a quittés hier. Sa malice, son engagement et ses images phares valent le coup d’être racontées.
Il laisse aujourd’hui le souvenir d’un photographe italien très engagé, qui détestait la photo artistique, pour qui « la photo devient de l’art lorsqu’elle provoque une réaction en nous, que ce soit de l’intérêt, de la curiosité ou de l’attention. » Si vous ne connaissez pas son nom, vous connaissez très probablement les photos de ce provocateur génial, connu pour ses images de pubs. Il s’appelait Oliviero Toscani et il est décédé hier, à l’âge de 82 ans.
Scandale et provocation… Pour mieux dénoncer
C’était simple : lorsque le photographe italien a commencé sa collaboration avec la marque United Colors of Benetton, en 1983, il n’y avait que deux mots d’ordres : « scandale » et « provocation« . En 1986, c’est mission réussie : Benetton affiche une accolade entre un juif et un musulman en kéfié palestinien. En 1989, Toscani remet ça avec l’image d’une femme noire qui allait un bébé… blanc.
L’une de ses nombreuses (et notables) séries faisait s’embrasser des personnalités célèbres sur la bouche, telles que le pape et un imam, à travers des photomontages, évidemment. Une autre mettait en scène un tendre baiser entre une religieuse et un jeune prêtre.
Toscani est parvenu à faire parler de Benetton avec des images hyper percutantes, sans même montrer les produits de la marque. Et ce toujours l’idée d’un slogan « United Colors« , comme lorsqu’il photographie trois cœurs sanglants gravés des inscriptions « White« , « Black « et « Yellow« . L’histoire retiendra aussi les clichés de ces corps tatoués de l’inscription “HIV POSITIVE« , de ces condamnés à mort aux États-Unis, ou de cette jeune comédienne française anorexique. Photographiée en 2007, Isabelle Caro pesait 30 kilos pour 1,65 mètre, et voulait, elle aussi, dénoncer les dangers du culte de la maigreur.
Certaines des campagnes de Toscani ont même été censurées en Italie ou en France. Par exemple, un certain calendrier, retiré des ventes en 2011, qui associait à chaque mois une image de pubis, variant les formes, couleurs et textures au gré des saisons. Un an après la censure de ce travail, Toscani en publie une nouvelle version, montrant cette fois… Douze pénis.
Des campagnes Chanel à celle du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
Fils de reporter, né à Milan, Oliviero Toscani a mis ses talents au service de nombreuses marques. United Colors of Benetton bien sûr, mais aussi Esprit, Chanel ou Toyota. Le photographe a aussi bossé pour la Croix Rouge, ou pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, ainsi que sur des campagnes de prévention sur la sécurité routière ou contre les violences faites aux femmes.
“Ce n’est pas une image qui fait l’histoire, c’est un choix éthique, esthétique et politique »
Au cours d’une interview, le Corriere della Sera, média de référence en Italie, demandait à Toscani quelle photo il aimerait qu’on retienne de lui. Pour le photographe, la trace qu’il souhaite laisser est celle de son engagement : “Ce n’est pas une image qui fait l’histoire, c’est un choix éthique, esthétique et politique« . C’est le moment pour nous de faire nos adieux à ce grand monsieur ! Dans la même interview au Corriere della Sera, Toscani citait John Lennon en disant que la vie, c’est ce qui vous arrive pendant que vous faites autre chose. Il évoque un souvenir : “Quand j’ai dit à mon ami Luciano Benetton que j’avais une maladie rare, il m’a répondu : ‘Olivier, tu es né avec une maladie rare !’” La maladie de la provoc’ et de l’engagement…
