Sous la coquille de films pleins comme un oeuf, d’un vétéran et d’un nouveau venu, une mutation s’opère…
Wes Anderson persiste et s’empêtre dans The Phoenician Scheme
Un jour, il faudra débarrasser les films de Wes Anderson de leur trop-plein visuel pour que remonte à la surface son véritable sujet. Plus ce réalisateur remplit le cadre d’une foultitude de détails, d’un soin maniaque du décor et des objets, plus cela ressemble à une forme de dissimulation, une taqiya jouant la carte de la culture pop colorée. The phoenician scheme s’embarque donc autour de la figure d’un businessman tellement influent que tout le monde veut le tuer. Et puisqu’il sent que quelqu’un finira bien par y arriver, il décide de renouer avec sa fille, jusque-là toujours négligée. En apparence, ce douzième long-métrage s’inscrit donc dans le côté maison de poupée remplie jusqu’à ras bord d’accessoires. A y regarder d’un peu plus près, il retourne pourtant les précédents, qui parlaient tous à un degré ou un autre d’enfants meurtris par l’absence ou la négligence de leurs pères. The phoenician scheme fait le chemin inverse via un géniteur qui veut faire amende honorable, être dans la transmission. Une trajectoire qui semble encore ardue pour un Anderson qui persiste à s’empêtrer dans une intrigue de film noir trop rebondissante ou une profusion de personnages inutiles. Pour autant quand certaines trouées viennent casser la mécanique millimétrée, The phoenician scheme parvient à sortir d’un côté auto-Musée Grévin construit par Anderson de film en film, l’impeccable duo Benicio Del Toro/Mia Threapleton insufflant enfin de la vie et de l’émotion dans le carton-pâte.
Else, une histoire d’amour littéralement fusionnelle
Thibaut Emin fait lui aussi dans l’artisanal, le fait-main. Dans Else, il imagine qu’un virus fait fusionner les gens avec n’importe quelle matière. Cet étonnant premier long-métrage en malaxe une plus impalpable, celle du couple, via une rencontre d’un soir qui vire confinée dans un appartement. Le principe de la mutation se diffuse jusque dans la narration, démarrant comme une rom-com piquante pour glisser vers la science-fiction ésotérique, connecter le réalisme magique de Caro & Jeunet à la vision tordue du romantisme d’un Cronenberg. Plus encore que chez Anderson, la forme singulière laisse sourdre une angoisse du relationnel, voire une quasi-phobie de l’engagement. Derrière les images stupéfiantes d’humains amalgamés avec des objets, il est bien question de la trouille traumatique qu’une histoire d’amour devienne fusionnelle. Else essaie de la soigner en se jetant à cœur perdu dans un trip immersif pour une expérience rare dans le cinéma français actuel, via un film hybride jusqu’à générer sa propre matière, entremêlant émotion et abstraction.
The phoenician scheme/ Else, en salles le 28 mai