Samedi avait lieu la deuxième édition du festival. Créé par les deux auteurs Zakaria Harroussi et Freddy Dzokanga, il vise à faire exister des histoires de la vie de la ville, au-delà du périph’ et loin des clichés.
Cette année, les couronnes vont à « Clean », de John Zarca et le premier roman de Nadège Erika, “Mon Petit ».
Quand les rappeur·euses et les artistes pop grossièrement classés dans le style “urbain” en ont eu leur claque de ne jamais être invité.es pour les Victoires de la musique, ils et elles ont créé la cérémonie des Flammes. C’est dans la même logique que Zakaria Harroussi et Freddy Dzokanga, deux auteurs issus de quartiers populaires, ont créé leur propre festival et prix de Littérature Urbaine. Ils en ont eu marre de voir autour d’eux des auteur·ices plein·es de talent, jamais nommé.es aux prix Goncourt et autres Femina.
Les quartiers populaires sont encore trop souvent associés à la violence et à la misère, et il est toujours précieux de montrer une autre partie de la réalité : les liens, les histoires partagées, les vécus, les fictions, la culture qui dépasse les murs des quartiers.
Samedi, deux livres ont ainsi été couronnés, et toute la sélection donne furieusement envie de faire un tour en librairie.
« Clean » de Johann Zarca : Cinq sevrages, cinq histoires qui s’entremêlent
Le premier s’appelle Johann Zarca, un auteur du Val-de-Marne qui s’est fait connaître en 2017 avec son génial Paname Underground, guide underground de Paris, dans lequel on suit Zarca à la trace dans le monde parallèle des tréfonds de la capitale, ses réseaux, ses love hôtels, ses cercles de deal, de prostitution, etc.
Cette fois, dans Clean, il est question de sevrages. Cinq histoires s’entremêlent : Il y a Lucy, la thérapeute, ancienne usagère, Sonia, clean depuis trois semaines qui tente aussi d’échapper à un ex-violent. Il y a aussi Aymeric, un professeur et futur papa pétri d’angoisse, lui c’étaient les psychotropes. Ou bien Redouane, videur en club, qui était sous stéroïdes et se défoule maintenant à la boxe, alors que Seb, lui, est passé de l’héroïne aux jeux à gratter. Il est très énervé contre la FDJ (la Française des Jeux) “cette bande d’enculés”, mais il est surtout énervé contre lui-même. On lit que la dope attaque tout le monde, sans distinction.
Pour ce roman, Johann Zarca s’est inspiré des groupes de paroles auxquels il assiste régulièrement depuis que lui-même est sobre. Clean, c’est donc la première couronne du prix de ce week-end.
« Mon Petit » de Nadège Erika : la vie entre Belleville et Porte de Montreuil
À égalité, l’autre couronnée est Nadège Erika avec un tout premier roman, “Mon Petit”. On marche dans les pas décidés d’une jeune fille à Paris, entre un HLM de Belleville chez sa grand-mère chez qui on dit ”intempéries” plutôt que “temps de merde” et l’appartement de sa mère à porte de Montreuil. Chez cette infirmière un peu bohème, habituée des huissiers, le dîner c’est Banania-biscottes, pendant que le disque des Jackson Five s’use sur la platine. Deux lieux de vies comme les “deux ventricules d’un même cœur dont les battements ont rythmé mon existence depuis mon entrée au CP jusqu’à la troisième”, dit la narratrice, qui tombera amoureuse de Gustave, de ses yeux verts et ses nouvelles Nikes. Un « gosse de riche » qui ne comprend pas toujours sa trajectoire, qui n’a pas pu échapper à tous les déterminismes.
C’est sa vie, de jeune maman enceinte à 19 ans, de ses amours et son drame, que raconte l’autrice. Écrivaine et aussi éducatrice spécialisée dans le médico-social, un métier qui lui donne, c’est certain, un regard vif sur le réel, qui nourrit les mots de sa colère. Cette colère qui fait rage depuis ce drame qui formule le nœud et le point de départ de son livre…
Clean et Mon Petit, ce sont donc les deux couronnes du Festival et Prix des Littératures Urbaines, qu’on continue de suivre de près !
Le reste de la sélection est aussi enthousiasmant :