Oui, Rihanna a annoncé sa 3e grossesse au Met Gala, qui s’est déroulé dans la nuit de lundi à mardi 6mai. Rendez-vous des paparazzades et commentaires people, c’est aussi l’occasion de réfléchir à la mode, à ce qu’elle nous raconte : le thème cette année est un hommage à ce que les diasporas noires ont amené à la haute couture, avec la figure du Dandy.
À l’évocation du Met Gala on pense à ce défilé de reu-sta, avec un dîner à 75 000 euros le siège. On y a vu aussi bien le pilote de F1 Lewis Hamilton, le rappeur A$AP Rocky, Pharrell Williams, ou encore le basketteur LeBron James. Mais si Doechii est arrivée portant une coupe afro et un gros cigare veste courte et short Louis Vuitton, que Janelle Monae avait un haut de forme et que l’acteur Colman Domingo, a débarqué sous une cape bleu roi en hommage à feu André Leon Talley – le premier directeur créatif afro-américain chez Vogue…. Ce n’était pas un hasard. Cette année, on a vu des dandys sur le tapis rouge, un hommage à ce que les diasporas noires ont amené à la mode.
Dandy. Ce mot évoque tout de suite l’élégance, une classe flamboyante, audacieuse et associée aux hommes noirs. Le Dandysme Noir c’est une affirmation audacieuse contre l’oppression, une célébration de l’identité noire.
La figure du Black Dandy depuis l’esclavage dans une expo new-yorkaise
L’histoire du dandysme noir ne commence pas avec les vêtements, mais avec leur absence. C’est ce qu’écrit Monica L. Miller dans “Slaves to Fashion” : Black Dandyism and the Styling of Black Diasporic Identity (2009) : les Africain.es réduit.es en esclavage “sont arrivés en Amérique physiquement et métaphoriquement nus”. C’est ce livre qui a largement inspiré l’exposition du Costume Institute, qui ouvrira dans quelques jours au Metropolitan Museum of Art de New York. L’expo’ est intitulée Superfine: Tailoring Black Style. Elle concorde chaque année avec certaines des tenues exhibées au Met Gala.
Superfine mêle des tenues, des œuvres, des photos et des histoires, comme celle d’Elle Craft, fille d’un maitre colon blanc et d’une de ses domestiques, qui a réussi, en 1848, à fuir l’esclavage. Courbée et habillée style Dandy, elle s’est fait passer pour un vieil aristocrate blanc et son mari William a joué son domestique.
Monica Miller parle du Dandysme Noir comme de quelque chose de mouvant, en constante évolution. Comme une « impro de jazz : quelqu’un pose un thème, un autre le reprend, le transforme, et ça devient autre chose… ». L’exposition est structurée par cette évolution et la retrace chronologiquement.
L’histoire militante du Dandy Noir – le costume en fil rouge
On apprend ainsi au fil de la lecture, ou de la visite, la chronologie du style du Black Dandy.
Le Dandysme Noir émerge au début du 20e siècle. Il permettait aux Noirs d’entrer dans l’espace public dans une époque où ils étaient invisibles, socialement et politiquement. Au-delà de la mode, le dandysme revêt ainsi des définitions plus vastes : il devient un acte militant, de réaffirmation de sa dignité. Quand, en 1917, 10 000 Afro-Américains marchent silencieusement sur la 5ᵉ avenue de New York, les hommes en costumes noirs, les femmes et les enfants en blanc, c’est la classe en contraste avec le carnage des violences racistes.
Puis, avec le costume en fil rouge, on navigue jusqu’au Harlem des années 1920, dans les communautés noires libres. Là-bas, on s’habillait en dandy pour être audacieux, occuper l’espace.
Il y a les costumes portés par des musicien·nes sous les projecteurs, comme Kid Creole and The Coconuts dans les années 1980, ou du célèbre pantalon à l’entrejambe tombant du rappeur MC Hammer.
L’artiste Nigérien-Américain Iké Udé, dont la photo figure en première de couverture du livre de L. Miller, joue avec le dandysme, ses codes et leurs appropriations. Il dit : “là où le moi peut être dévoré par le regard public, il peut être sauvé par l’auto-objectivation privée”.
Une victoire politique (inter)nationale
Aujourd’hui, le dandysme noir veut aussi bien dire « l’excellence noire » que la « confiance en soi ». Le Met Gala célèbre ainsi cette année tout ce qu’il a amené à la haute couture actuelle !
Avoir un événement autant scruté, qui prend position sur la puissance et la nécessité de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, ça fait du bien. D’autant plus que ces trois principes ont été attaqués par l’administration Trump, qui les a qualifiés d’« illégaux ». Alors, on célèbre les petites victoires et on se délecte des looks de nos artistes préférés.