L’école de cinéma Kourtrajmé s’est vu refuser une subvention par la région PACA. Ce n’est pas une question de coupe budgétaire, mais d’écriture inclusive.
Il ne fait pas bon de demander des subventions culturelles ces temps-ci. La CGT Culture annonçait hier de nouvelles annulations de crédits au budget 2025, à hauteur de 114 millions d’euros. La suppression de celui de l’école de Kourtrajmé n’a donc rien de surprenant. Ce qui l’est un peu plus, c’est la raison : la région a expliqué à la directrice de Kourtrajmé Marseille qu’elle pouvait garder ses subventions, si (et seulement si) elle supprimait son utilisation de l’écriture inclusive.
La région PACA a été prévenue par des élu·es du RN de l’utilisation de l’écriture inclusive par l’école, décrite comme “l’étendard de l’idéologie woke contre laquelle la région s’est engagée”. “Engagée” ça veut dire deux votes : un en 2023, et un autre en avril.
À la porte : 75 000 euros et 40 stagiaires en précarité
Combattre le wokisme en faisant taire les points médians, les féminisations de métiers et ses mots épicènes semblent être une priorité. Plus importante même que de valoriser l’insertion à Marseille (dont 7,8% de la population est au chômage, selon les derniers chiffres) visiblement, puisque l’école Kourtrajmé est privée de 75 000 euros de fonds d’innovation pour la formation, qui devaient servir à financer 40 stagiaires en précarité pour les deux années à venir. L’existence de l’école n’est pas mise en danger par ce trou dans le portefeuille, puisqu’elle a d’autres soutiens pour continuer de mener le combat de l’école contre les plafonds de verre du monde du cinéma.
L’école de ciné a été fondée par le réalisateur des Misérables, Ladj Ly. Elle est gratuite, inclusive, sans conditions d’expérience ni de diplôme… La directrice de Kourtrajmé résume : “Nous sommes l’école de cinéma la plus militante, nous en sommes conscients, mais aussi celle qui insère le plus !”.
Qu’à cela ne tienne, Kourtrajmé ne compte pas plier, craignant qu’en cédant l’écriture inclusive, elle s’engage sur une pente glissante de compromis réactionnaires. La directrice craint par exemple que le soutien de l’école aux victimes de Gaza ne devienne la prochaine cible de la région…
Une épidémie dangereuse d’allergiques au point médian
Enfin, que ce soit dans les rangs du Rassemblement National, des Macronistes ou des LR et maintenant dans les caisses de la région PACA, l’épidémie d’allergies au point médian et aux « ils et elles » semble faire rage. En février dernier, la députée du Maine-et-Loire, Anne-Laure Blin, suggérait une amende de 7 500 € pour toute personne morale qui oserait utiliser l’inclusif. Cela inclut les “elles et ils”, les féminisations de métiers et le terrible “iels”. Une proposition qui a réussi l’exploit d’être encore plus conservatrice que ce que dit l’Académie française !
D’autres sont aussi prêts à se battre pour défendre une écriture qui parle à tout le monde, de tout le monde : un papa est allé jusqu’au tribunal pour dénoncer la règle enseignée à sa fille à l’école selon laquelle « le masculin l’emporte ». Il a expliqué que cette règle prive “les élèves appartenant aux minorités de genre de la possibilité de recevoir des outils langagiers pour se penser et se dire”. Si vous avez réussi à arriver jusqu’à la fin de cet article, c’est que l’inclusif ne vous file pas trop d’urticaire.