Contrée de musiciens doués (Little Dragon, Goat, The Knife, etc.), de meubles en kit, de perchistes qui battent des records du monde comme qui rigole, et de mille autres choses dont on se fait régulièrement l’écho (ici, là, là aussi, ou encore de ce côté-ci), la Suède peut également s’enorgueillir d’une école chorégraphique à la réputation dorée. Ça fait un siècle que ça dure, depuis les oeuvres fantasques et audacieuses de Jean Börlin pour les Ballets Suédois. Aujourd’hui, Johan Inger et Pontus Indberg perpétuent et font fructifier cet prestigieux héritage ; il était donc logique qu’ils fissent leur entrée au répertoire de l’Opéra National de Bordeaux.
Commençons par la création qui donne son nom à cette soirée, cette trilogie de gala : Now and Now, percutante pièce signée Johan Inger. Sociétaire du Nederland Dans Theater, capable de s’inspirer du jazz de Keith Jarreth (Köln Concert) comme de détourner le répertoire patrimonial (Aurora’s Nap, parodie de la Belle au bois dormant), le chorégraphe stockholmois propose avec ce spectacle, monté pour la première fois en 2015, une variation sur le thème d’In the Night – dont on vous reparlera plus bas, puisqu’il fait lui aussi partie du programme.
Now and Now, pièce à la présence impérieuse, est un duo magnifique qui traverse, explore, croise dans les différentes phases d’une relation amoureuse, suivants les courants, frôlant les récits, allant de tâtonnements en engouements, de promesses en négociations. Un problème à deux corps, en quelque sorte ; des péripéties ciselées et dynamiques, avec l’espoir à portée de coeur et de mains, sur la lisière théâtrale, accompagnées par les compositions d’Arvo Pärt (si prisées par le Godard des années 90 et 2000) et Erik Enocksson.
Son compatriote scandinave Pontus Lidberg aura aussi son place de choix, réservée, sous les feux de toutes les rampes, projecteurs et autres scialytiques, avec l’hypnotisant The Shimmering Asphalt. En dépit de son intitulé, oubliez le goudron et préférez-lui la plume, préférez la légèreté à l’âpreté du macadam pour considérer les évolutions sophistiquées des treize danseur.ses, au-devant d’une scénographie vidéo onirique.
Il faut dire que le bonhomme Lidberg s’y connaît, en film, puisqu’il coiffe également, à l’occasion, la gapette de réalisateur. Et qu’il sait allier à merveille les qualités du film, les vertus de la danse et les partitions de David Lang pour composer cette oeuvre saisissante et sophistiquée créée en première mondiale par le New York City Ballet.
Justement, à propos de ballet new-yorkais, évoquons enfin l’Américain Jerome Robbins, qui fut l’auteur du spectacle In The Night, ce classique de la danse contemporaine qui sera ici présenté en prélude. Élaboré en 1970, ce spectacle en trois volets donne à voir trois couples comme autant d’incarnations allégoriques de la vie amoureuse, à son aurore, à son zénith comme à ses moments plus incertains, troublés.
De la découverte à l’épanouissement mais aussi aux soubresauts, sur fond de nuit indigo piquetée d’étoiles adamantines, ces trois apologues de la vie amoureuse et ses facettes aussi nuancées que passionnées n’ont pas leur pareil pour toucher la fibre sensible, faire vibrer les cordes de l’émerveillement, tout en virtuosité et en poésie ; une émouvante narration s’accordant, par le geste, par la danse en duo, à l’écrin sonore lyrique et délicat offert par les Nocturnes de Chopin.
La Radio Nova Bordeaux vous offre des places pour cette triplette chorégraphique de haut vol. Les tickets se guignent et se gagnent ici-bas, ici-même, à l’aide du précieux adjuvant constitué par le mot de passe Nova Aime.
