Si on ne prête – et on ne prêtera – jamais attention aux thèmes astraux (sauf, exception des exceptions, pour l’enchanteur générique d’Astralement Vôtre, signé François de Roubaix), la programmation de l’Astroshow, elle, mérite assurément le coup d’oeil et d’oreille, l’analyse, l’enthousiasme.
Ces trois jours trouveront leur havre dans la verte cour du conservatoire, au Square Dom Bedos, à proximité des nécropoles mérovingiennes récemment mises à jour. Pour prendre de l’avance sur le weekend, comme il y aura beaucoup à faire, à voir, à entendre, l’Astroshow Open Air ouvrira ses septièmes ciels musicaux dès le jeudi. Et j’espère que vous saurez vous échauffer comme il se doit car il y aura déjà, dessinée à grands traits vers la ligne d’horizon, une grande galopade qui nous attend, celle que proposera Mustang.
Groupe, disent-ils, d’une classe moyenne qui n’existe plus, ou à l’état d’une survivance rabougrie, Mustang prendra les rênes sans se faire prier. Les ingrédients saisis, agités par les Clermontois, aujourd’hui protégés du label Vietnam de Franck Annese, restent les mêmes depuis deux décennies : écriture acide et ciselée, ironie à froid, altière distinction mod ayant dans la poche arrière un Murat à double tranchant. Nul ne les changera, ces éternels outsiders de la chanson française, ici revenus sous l’égide d’un Super Phénix dont le titre leur va comme un gant – cendres, flamboiement et un clin d’oeil rétro à cette France trop fate (Superphénix était le nom d’une ancienne centrale nucléaire, en Isère, âprement contestée et fermée en 1997).
Le lendemain, Goat Girl reprend le flambeau. Fidèles sociétaires du label Rough Trade, le groupe londonien (dont le nom est un clin à « Goat Boy », le personnage cher au comédien Bill Hicks) poursuit une impeccable trajectoire, en dehors des clous et des modes. Dont le dernier album Below the Waste – où nous avions pioché le titre « Motorway », sélection Nova Bordeaux – n’est que le plus récent exemple.
Du quintet initial, il ne reste plus qu’un trio : Lottie Pendlebury à la guitare et au chant, Holly Mullineaux à la basse, Rosy Bones à la batterie. Soucieuses de ne pas balbutier l’équation gagnante de la veille, elles redonnent ses lettres de noblesse à l’indie, audacieux et incertain, jamais confondu avec un cache-misère ou un moyen de se faire mousser à peu de frais. Ça louche sur le post-punk, ça offre de bouleversantes relectures toutes en flutes, harpes, clarinettes, violoncelles et cordes baroques, avec un orchestre de chambre : il y a du Tuxedomoon chez ces British aussi classieuses qu’inclassables, on anticipe déjà sur les bulletins la mention GG – « good game » – pour Goat Girl.
Pour leur donner la réplique, Arthur Satan sera de la partie. Ancien frontman des prodigieux JC Satan, le Bordelais poursuit en solo (officiellement, du moins, car il est toujours entouré de collègues et complices de ses anciens projets) dans sa veine mélodique associant garage-rock enlevé et enluminures chamber pop 60s – guitares, orgues et carillons savamment composés.
Après l’excellent So Far But So Good, le protégé du label Born Bad a mis les bouchées doubles avec un copieux second disque solo qui n’a jamais autant sonné comme son alter ego californien Ty Segall – même si on pourrait aussi formuler cette semblance en inversant les termes, A Journey That Never Was n’ayant rien, mais alors rien de rien, à envier à Possession.
Enfin, le samedi, le power trio australien Dune Rats – c’est-à-dire le chanteur-guitariste Danny Beus, le batteur BC Michaels et le bassiste Brett Jansch – se chargera de transformer Bordeaux en Électric-Cité. Tout droits venus du Queensland, ces trois punk-rockeurs en shorts et casquettes ne jurant que par les trois B – « beers, bongs & bullshit », titre du dernier morceau de leur récent album If It Sucks, Turn It Up, tout un programme) – se brancheront sur du triphasé, guerriers électriques sur rollers, slackers post-Wayne’s World filant vers le grand nawak, fusion improbable de King Gizzard et Green Day (à propos desquels, d’ailleurs, on ne saurait que trop vous recommander la lecture du livre d’Aaron Cometbus, En Chine avec Green Day ??!, chez Tahin Party)
Ah, et j’oubliais, il y aura aussi, le jeudi, aux platines et dans les amplis, les sélections et les collections de musiques singulières et plurielles chères au « Grand Mix » de Nova Bordeaux. Ce qui ne gâche rien, vous en conviendrez.
