Les teufs sont des grosses fêtes autogérées, non déclarées et souvent organisées dans des zones rurales ou industrielles. Mais samedi, elles avaient lieu dans les rues, en plein centre-ville à Paris, Lyon ou Marseille. L’objectif : manifester en musique pour la liberté de teknifester, raver et contre un projet de loi punitif qui menace la culture de la teuf.
Teuf : nom féminin. Rave Parties autogérées et non déclarées, organisées majoritairement en forêt, dans des zones rurales ou industrielles éloignées des centres-villes.
En France, la toute première aurait été celle de 1993, près de Beauvais, qui portait le nom de “Teknival” : techno, festival. La dernière en date, c’était samedi dernier, en pleine rue dans Paris et d’autres villes françaises. Elle a été organisée pour que ce ne soit pas la dernière en date, justement.
Une giga rave politique sous le soleil
L’idée de la “manifestive” était de créer une giga rave à ciel ouvert, avec plusieurs objectifs sociaux et politiques. Déjà, montrer que les ravers sont sympas, plutôt banals et fréquentables, des gens qui aiment parfois simplement se glisser un peu de techno dans les écouteurs en allant au travail, qui sourient volontiers. Samedi, on pouvait ainsi recevoir des pschits de crème solaire gratos, des vagues de sourires sous le soleil, le tout dans une petite brise propulsée par les soundsystems qui pulsent des basses. Mais si l’ambiance était plutôt festive, l’objectif était surtout de dénoncer une proposition de loi qui pourrait tuer les raves pour de bon.
La première loi anti-raves de 2001 a mis un coup à la liberté des free partys, qui n’a plus jamais été la même que dans son âge d’or, dans les années 1990. Mais la culture rave et free avait à l’époque toujours de beaux jours devant elle dans notre beau pays de la manif’.
Des dizaines de député·es veulent saquer les raves parties
La loi qui arrive fait trembler : elle vise à “renforcer la pénalisation de l’organisation de rave parties”. Le projet a été déposé le 18 mars à l’Assemblée Nationale par Laëtitia Saint-Paul, une députée du parti Horizon. Ancienne officière de l’armée de terre, elle est soutenue ici par des dizaines de députés de la majorité présidentielle.
Concrètement, la loi ferait grimper l’amende : de 1 500 euros actuellement à 5 000 euros, elle instaurerait une peine qui peut monter jusqu’à six mois de prison, ou rendraient obligatoire la confiscation du matériel. Ce ne seraient plus seulement les organisateur·ices de teufs qui seraient dans le délit, mais aussi « le fait de participer à l’édification du mur de son, de transporter du matériel de sonorisation ». Bref, un virage répressif qui n’est pas sans rappeler d’autres pays plutôt carrément experts de la répression culturelle. Ce n’est pas le fruit de notre déduction, c’est carrément assumé par la proposition de loi qui cite ouvertement le régime d’extrême-droite italien de Giorgia Meloni.
La culture libertaire des teufs
Depuis les confinements de 2020, on observe une génération qui délaisse pour une partie les clubs citadins pour la version campagne libre et (il faut le dire) carrément moins chère. De l’autre côté, on a des préfectures qui ont pris l’habitude de planter des arrêtés d’interdiction de rassemblements festifs avant chaque week-end. Le préfet de l’Hérault l’a même fait pour un an, tant qu’à faire, quand le préfet d’Ille-et-Vilaine a banni tout le mois d’avril.
Certains organisateurs de teuf réclament un dialogue au niveau local, d’autres demandent aussi que les free parties passent de la tutelle du ministère de l’Intérieur à celui de la Culture. C’est cette culture que les ravers étaient venu·es représenter et défendre samedi, et on peut s’attendre à d’autres manifestives pendant le chemin de la proposition de loi !