L’ancien argot gay était utilisé par la communauté LGBTQIA+ pour s’exprimer librement dans l’espace public.
En Angleterre, dans les années 1950, les homosexuel.les ne sont plus pendu.es depuis presque un siècle (1861), mais risquent encore la prison ou la castration chimique si elles et ils osaient s’exprimer librement. Il faut donc vivre caché.e, et trouver des moyens de détourner les codes pour garder son appartenance à la communauté LGBTQIA+ secrète. Comme les criminel.les ou les espions, ils et elles ont développé un langage crypté.
Un ancien langage crypté pour marginaux
C’est ainsi que s’est répandu le Polari, un langage secret gay, en forme d’argot. Il existait déjà, en vérité, et avait toujours été étroitement lié aux populations en marge. Au XVIIe siècle, le Polari était par exemple utilisé par les criminel.les. Au XIXe siècle, c’était le dialecte des voyageur.euses, circassien.nes, prostituées, vagabond.es. Puisque la langue devait être secrète, jamais le Polari d’alors n’avait été établi, défini, codé, rien d’écrit ni d’enregistré, la passation était orale. Lorsqu’il est repris par la communauté gay anglaise, ces versions patinées par le temps se mêlent à d’autres images, du verlan, des mots d’autres langues.
Le sens des 500 mots cryptés
Au total, le Polari se regroupe en environ 500 mots mêlés à l’anglais pour crypter les discussions. On pouvait par exemple parler d’un « omi-palone », un homme gay, crier « Lily » pour prévenir de l’arrivée de la police ou lancer à quelqu’un « Bona vada ton dolly eke », « —> « Ravi de voir ton joli visage » sans que la drague ne soit explicite pour les moldus environnants… Voilà une liste de quelques termes et leur traduction :
- “Bijou”, le terme français voulait dire “petit »
- “Bona”, qui ressemble au “buona” italien, était utilisé pour dire “bien”
- « Cod » ou « Naff« , à l’inverse, voulait dire « terrible »
- “Lily” pour parler de la police
- “Jennifer Justice” pour évoquer plus généralement les autorités
- “Omi–palone” pour dire « homme gay »
- “Dolly” pour « joli »
- « Eek » pour « visage »
- « riah » pour « les cheveux » (« hair »)
- « vada » pour « regarder »
- « ajax » pour « à côté de… »
- « BMQ (black market queen) » pour décrire un homme gay, pas encore sorti du placard, qui souvent travaillait dans la navire marchande. On les appelait aussi les « sea queens »
- « Feely » se traduit par « jeune »
La liste continue ici, par exemple. On y trouve beaucoup de termes appréciatifs, d’adjectifs, et de mots de la sexualité. Le Polari queer était utilisé pour gossiper, ou parler de sexualité librement, dans l’espace public. Il s’est installé dans la culture gay, et est même allé jusqu’en radio : dans l’émission de la BBC « Autour du Horne », diffusée dans les années 60 et animée par Hugh Paddick et Kenneth Williams.
Le Polari en musique, de David Bowie à Olly Alexander
Nombreux sont encore les pratiquants qui s’amusent à garder et utiliser quelques mots de Polari. David Bowie l’a fait dans son morceau “Girl Loves Me”, sorti en 2016. Il parle de “bonny” (qui signifie beau), “butty” (amant) et “kitty” (prison).
On peut aussi citer le morceau plus récent d’Olly Alexander au titre limpide :
Le polari moderne existe, en version française
Le Polari a été classé en 2010 par l’Université étasunienne de Cambridge comme un langage en voie d’extinction. Mais même en France, il existe encore un vrai argot LGBTQIA+, aux allures de langage crypté !
Par exemple, si quelqu’un vous disait qu “il y a des meufs qui se vendent comme des dom fem, d’autres comme des butch, et finalement c’est des lesbiennes quechua, des pillow princess…”, vous pourriez être interloqué et pourtant, pour d’autres, le message est limpide. Voilà quelques exemples de l’argot queer moderne, qui emprunte beaucoup à l’anglais.
- “masc” pour parler de l’énergie masculine, “fem” pour l’énergie féminine que quelqu’un peut dégager, peu importe son genre. Il y a tout un spectre interne, avec des “dark fem” ou bien des “soft masc”. C’est plutôt à ça que sert l’argot queer moderne : à mettre des mots sur des réalités de la culture gay qui ne sont pas nommées dans le langage commun. Même si on imagine qu’il permet aussi toujours de parler de ses histoires intimes en terrasse en passant un peu plus incognito.
- “twink” pour le jeune gay, souvent imberbe et fem
- “egg”, pour désigner humouristiquement quelqu’un qui n’a pas encore réalisé ou reconnu sa transidentité
- “pillow princess”, ou la flemmarde en somme
- “preach” ou “yass” quand quelqu’un vient de dire un truc avec lequel vous êtes plus que d’accord
- le verbe “shade” quand il s’agit de critiquer quelqu’un
- “serving”, quand quelqu’un offre un look, une attitude
- “slay” lorsque quelqu’un a tout déchiré
Voilà des exemples mots que vous pourrez utiliser à foison au Bal de l’Amour demain soir !
Le Bal de l’Amour célèbrera en musique les communautés queers
Demain soir, à la Place de la Bastille de Paris se tient la troisième édition du Bal de l’Amour, dont Nova est partenaire. La fête est gratuite et ouverte à quiconque veut s’y joindre : la Alphabet Mafia LGBTQIA+, ses alliés, familles, jeunes, seniors, etc. La grosse fête sera hostée par le merveilleux et flamboyant Noam Sinseau, qui ouvre les festivités à 18 heures. La soirée continuera avec des DJs, karaokés, drag show, et un live de la Grande Dame à 20 h 30. Une bonne préparation pour le mois de juin, qui est le mois de la Pride, l’anglais des fiertés de la communauté LGBTQIA+.

