La chronique de Jean Rouzaud.
Le dernier film ? En tout cas, ça a bien failli être le dernier pour Dennis Hopper, qui était déjà en difficulté avec l’industrie et les studios pour s’être rebellé contre les méthodes d’Hollywood.
Hippy, Biker, LSD, sex and drugs
Très tôt, il jouait dans des westerns classiques, avec sa belle gueule à la Paul Newman, mais son comportement était loin de la servilité hypocrite en usage dans les grands studios. Puis, vers 1968, après des années d’ostracisme, le miracle : Dennis Hopper réalise Easy Rider avec son pote Peter Fonda et ce sera le grand film modèle de la libération, à la fois Hippy, Biker, LSD, sex and drugs !
Les studios, toujours élégants, acceptent alors de produire cet étrange western, puisque Hopper pouvait finalement rapporter gros. Mais le sujet d’un tournage de film, dans un village paumé au Pérou, ne va pas se passer comme prévu !
Comme son pote Brando dans Les révoltés du Bounty, Hopper prépare une attaque virulente contre le système, dénonçant les ravages que peut faire la simple présence d’équipe de cinéma dans des bleds. Dans ce cas, les habitants du coin se mettent en tête de faire une imitation de faux tournage (!) avec faux matériel (en bois, voir photo au-dessus), mais vraie violence !
En prime, Hopper qui travaille avec le scénariste de La fureur de vivre, Stewart Stern, bouleverse le récit classique en inversant le récit, partant de la fin, puis mélangeant la chronologie, afin de déstabiliser le spectateur, et lui rappeler que c’est un « tournage de tournage », et qu’un « making off » n’a pas d’ordre dans le temps, pas plus que les prises de vues d’un film !
Ainsi, ce tournage lointain va virer à l’aventure véritable, sans respect des règles, avec une bande d’acteurs – réalisateurs qui se connaissent, et sont en pleine révolte et remise en cause du broyeur hollywoodien.
Tourner ce qu’on veut, et pas ce qui est prévu, mais avec l’argent des studios…
Au Pérou, il y a de la cocaïne, de la tequila et des filles, surtout à cette époque, avec une bande d’enragés qui improvisent et vont refaire le coup d’Orson Welles au Carnaval de Rio dans les années 50 : tourner ce qu’on veut, et pas ce qui est prévu, mais avec l’argent des studios ! Ce genre d’affront n’est jamais pardonné…Mais Hopper et sa bande (de très beaux acteurs en rupture) sont prêts à tout, même se griller avec la maison mère du show américain !
Le résultat est un film à grand spectacle, tourné en 35 mm, dans lequel alternent des séquences de western, mais aussi de cabaret avec des filles incroyables, des dérives psychologiques, et une sorte de catharsis dans une fête de village andin, comme pour conjurer le sort du démon hollywoodien, de sa technique de propagande et de la violence que peut déclencher l’usine à rêves…
The last movie. De Dennis Hopper. 1971. USA. VOSTF. 108 mn. Ressortie en salle le 18 juillet. Version restaurée à partir des originaux son et image. Distribué par Carlotta films (avec : Dennis Hopper, Peter fonda, Samuel Fuller, Kris Kristofferson, Michelle Philips, Julie Adams, Tomas Milian Dean Stockwell, Russ Tamblyn…un casting d’exception !) Photo de Laszlo Kovacs. Et avec les villageois du village de Chinchero au Pérou ! Sortie en salles à partir du 18 juillet, à Paris, Marseille, Lyon…Se renseigner sur les salles, sur le site de Carlotta Films (distributeur).
The Last Movie est visible dans quelques salles : à la Filmothèque de Paris, au Georges Méliès de Montreuil, au Comoedia de Lille, au Majestic de Metz, au Cameo de Nîmes, au Studio du Havre…
Visuel : © 1971 HOPPER ART TRUST, 2018 PACIFIC MOTION PICTURE COMPANY INC. Tous droits réservés.