L’artiste pionnier avait enregistré avant sa mort cette œuvre qui danse, qui groove, douce, puissante et engagée.
Parfois, quand on parle de disco-funk qui « groove », ça sonne surfait, voire creux. Mais là, il s’agit de Cola Boyy.
Cola Boyy, c’est le nom d’un génie, pionnier d’un disco engagé et terriblement cool.
Il était atteint de spina-bifida et de scoliose et devait porter une jambe prothétique, qu’il affichait fièrement sur la pochette de son premier (et génial) album, Prosthetic Boombox.
Cola Boyy a grandi à Oxnard, une ville agricole du sud de la Californie, juste au-dessus de Los Angeles, où vit une importante population sans-papiers, venue d’Amérique Latine notamment du Mexique, souvent exploitée et sous-payée. Il a toujours pris la parole pour défendre les droits des classes populaires, c’est un peu l’archétype de l’artiste profondément engagé.
Musicalement, c’est la scène punk locale qui a vu grandir l’artiste. Repéré ensuite par le label Record Makers grâce aux démos qu’il postait sur Soundcloud, il sort un premier EP en 2018, Black boogie neon, puis son premier album, Prosthetic Boombox en 2021.
Il a trouvé un repère musical en France et collectionne les collab’, avec les très cools Air, Myd, Paradis ou Lewis OfMan.
Cola Boyy est devenu l’architecte d’un son bien à lui, une bande-son pour les révolutions dansantes.
On pleure Cola Boyy, décédé depuis un peu plus d’un an, mais on le pleure en groovant avec cet album posthume sorti cette nuit, Quit to play Chess. Un disque qui n’a de posthume que sa date de sortie puisqu’il avait été finalisé jusqu’au mastering par l’artiste. Scratching, samples de cuivres et voix pitchées : c’est du pur Cola Boyy.
De la drum & bass atmosphérique du titre 800MPH au hip-hop hallucinatoire de Red Carpet, en passant par le R&B de Walk Again, c’est un album complet « pour offrir des hymnes à celles et ceux qui en manquent », comme le dit très bien son label.
La musique est douce et les messages puissants. Dans Quit to play Chess, Cola Boyy parle de pouvoir, d’oppression, sans jamais quitter son ton chaleureux, rassembleur. Il incarne une positivité revendicatrice: il utilisait la musique pour rassembler, pour souligner ce qui unit plutôt que ce qui divise.
Ce bonheur de nouvel album n’arrive pas seul : le label Record Makers annonce la sortie d’un livre, à la belle couverture orange disco, qui raconte la vie de l’autoproclamé “disabled disco innovator”. Le texte est même signé par un certain David Blot ;)
La musique de Cola Boyy résonnera encore longtemps, on conclura avec les mots de sa famille, dans le communiqué de presse, qui provoquent de jolis frissons :
“Perdre un fils, autant qu’un frère, laisse un vide béant qui ne se refermera jamais en nous. Mais dans cette vacuité retentit du son ; aussi nous sommes chanceux que la voix de Matthew résonne toujours. Sa musique est comme aucune autre sur terre : elle vient d’un kid born in space. Et ça réchauffe nos cœurs de savoir que le style et les convictions politiques de Cola Boyy continueront de toucher des gens. Quit To Play Chess est un chef-d’œuvre qui anime les âmes et les corps, et si vous l’écoutez assez fort pour vous y perdre, vous pourrez presque sentir Matthew à vos côtés.”