Du collège Georges Clemenceau à un grand festival, des adolescent·es lyonnais·es foulent la scène par un apprentissage gratuit et libre de la musique.
Au fond de la grande salle de musique du collège Georges Clemenceau, entre des rubik’s cube, des cahiers, des instruments et des chaises en vrac, se dresse une scène où les élèves s’illuminent sous les projecteurs orange et violet qui n’éclairent que la zone. Le lieu fonctionne en espace alternatif, accueillant tous les statuts, les genres musicaux et les générations. À quelques centimètres de leur vie de collègien·nes, les adolescent·es deviennent des stars de la musique avec leur professeur·es, qui froncent passionnément les sourcils en se mordant la lèvre aux coups de baguettes ou de médiateurs des récitals.
Tous À La Musique, l’association qui donne le tempo social et musical au collège Clemenceau
Dans le 7e arrondissement de Lyon, au collège Georges Clemenceau de la Guillotière comme dans 7 autres collèges lyonnais, des professeurs de musique donnent gratuitement des cours toute l’année. En se baladant dans les couloirs ou pendant un cours d’histoire-géo’, on entend depuis le dernier étage des harpes s’harmoniser à une batterie, des trompettes à une basse, de la flûte traversière à une guitare acoustique ou encore du rap avec du trombone. Cette mélodie qui fait vibrer les murs du collège, c’est le fait de l’association lyonnaise Tous À La Musique – qui n’enseigne pas la musique comme les autres. Un cours peut par exemple ressembler à une session de jam professionnelle : des instruments de tous types se mélangent pour créer une composition et un genre musical uniques.
Ce tendre gloubi-boulga collectif, c’est l’un des objectifs particuliers de l’association : les professeur·es, composés de professionnel·les de la musique, de services civiques ou d’amateur.es, mêlent les instruments et les élèves pour créer des projets musicaux communs, sans programme précis, pour une pratique musicale libre. Olga, coordinatrice générale et professeure à TALM explique que “tout est possible” si on se promet de s’adapter aux ados’, pour atteindre les objectifs “du collectif, et de l’enfant”. Zoé, Manon et Lou, un groupe de cinquième, racontent ainsi que Clem en Zik (le TALM du collège) leur ont permis de se “faire des copines”, d’être “plus détendue” en cours, voire de les motiver à “aller en cours quand [elles en ont] pas envie”.
Un grand festival annuel pour “répondre à un besoin de musique”
Un vendredi de mai, les répétitions durent particulièrement tard : le lendemain, comme chaque année, un festival au Parc Blandan, grand parc du 7e arrondissement, fera jouer les collégien·nes sur scène, devant plus d’un millier de personnes. Organisé par différentes associations musicales du secteur (dont TALM), le festival de musique amateure fixe l’objectif de “répondre à un besoin de musique” du secteur précaire de la Guillotière, selon les mots de Tom, membre de l’association.
Pour le collège Georges Clemenceau, ce concert est surtout l’opportunité annuelle de faire jouer les adolescent·es sur une grosse scène, et de faire connaître TALM : l’association est principalement financée par des dons privés, que ce soit d’argent ou d’instruments. Dans un contexte de coupes budgétaires culturelles à échelle nationale, l’association survit ainsi surtout grâce à l’investissement et la passion de ses membres.
Le festival du Village Musical : un grand rock d’air frais
Le samedi 17 mai, depuis la dizaine de stands et chapiteaux qui s’animent de 10 h à 21 h, les sons parviennent en cacophonie des scènes de concerts des “jardin musicaux”, ou “jardins sonores”, dans lesquels des instruments sont mis à la disposition des passant·es et festivalier·es, côtoyant les pelouses et le carrousel animé du parc Blandan. Les habitant·es habituel·les du parc s’arrêtent devant ce qui ressemble à une immense kermesse, et s’animent autour du bazar musical. Des sons de violons d’un.e enfant débutant.e à une formation éclair de batucada, en passant par des cris d’enfants, qui courent pour être à l’heure à leur prochain concert, on se laisse porter par le mouvement émotionnel et musical du lieu.
La journée est rythmée par des représentations des élèves des différentes associations sur plusieurs scènes, la plus grande étant principalement animée par des collégiens de Georges Clemenceau. Chaque concert se distingue complètement, avec des pattes musicales uniques, par le talent et la virtuosité impressionnant·es des jeunes musicien.es.
À chaque scène, chaque concert, on comprend un peu plus le calme et la fierté des animateur·ices : après qu’un batteur lâche ses baguettes pour jouer un solo parfait de trompette, une élève de cinquième nous parle d’Amy Winehouse en jouant du piano et de la guitare sur un répertoire plus large qu’un.e prof’ de solfège (qu’ils n’ont pas à Clem en Zik – un autre enfer académique qu’ils refusent de s’infliger) : “le piano, c’est élégant, mais la guitare, tu peux jouer Muse et c’est du rock, ou Winehouse et c’est du soft. Ça moi, j’aime bien, que ça dépende de la façon dont tu joues”, explique Rose. Si on lui demande son niveau, elle répondra “je ne sais pas, on ne passe pas d’examen à Clem en Zik”. Ici, les cours n’ont pas de programme, mais une “ligne directrice”, pas de niveau ni de groupe, mais des “besoins et envies individuels”, pas de cours de solfège ni de professeur·es obsédés par les arpèges, mais un véritable “lien”, qui sent la tendresse, la récré’ et le jazz fusion.
L’évènement est un grand succès chaque année. Des adolescentes racontent que c’est en voyant les concerts qu’elles ont eut envie de rejoindre l’association. Deux de ces collégiennes, Camille et Agar, expliquent que Clem en Zik, c’est “super ! on apprend des instruments et on peut passer en concert avec, on n’est pas habituées à avoir accès à tout ça”, et que cet enseignement “rassemble beaucoup les élèves au collège, quelles que soient leurs cultures ou leurs relations sociales”.