Souvenirs, souvenirs…
Segundo premio s’ouvre sur la mention suivante : « ceci n’est pas un film sur la légende de Los Planetas ». Le film d’Isaki Lacuesta ne se voudrait donc pas l’histoire du groupe de pop indé vénéré par des millions d’Espagnols dans les années 90. Mais plutôt celle plus universelle du syndrome de la page blanche qui peut dévorer n’importe quel combo. Celui de Segundo premio n’arrive tellement pas à créer les chansons d’un troisième album qu’il est au bord de la dissolution. Bien plus qu’une recension de tensions et sursauts de ses membres, Lacuesta en fait le portrait d’une jeunesse des années 90 éruptive, aux humeurs adolescentes, comme un souvenir d’une version ibérique du grunge, entre rogne et mélancolie, dont Los planetas fut la tête de proue. Jonglant entre réalité et fiction, Segundo Premio est donc bien moins le biopic d’un groupe totem que cette époque, dont il retrouve le ressenti à fleur de peau. Une évocation d’une inattendue honnêteté quand elle n’occulte pas des contradictions, dissensions qui s’immiscent jusque dans une narration qui n’hésite pas à se raturer, rectifier son récit, donner différentes versions d’un même fait, comme un groupe transforme, fait évoluer ses chansons lors des prises de son d’un enregistrement. Et si Segundo premio s’inspire pleinement de comment Los Planetas a fini par renouveler leur son, il s’en sert surtout pour feuilleter avec tendresse les souvenirs d’une génération.
Les souvenirs sont aussi le point central de Super Happy Forever, film délicat jusque sa structure en deux temps. D’abord 2023, quand Sano retourne dans un hotel d’une petite station balnéaire. Et 2018, quand au même endroit, il fait la connaissance de Nagi, qui deviendra sa femme. L’entre-deux de ces périodes n’existe pas à l’écran mais se fait présence spectrale. Rien de moins normal pour un film hanté par la perte. Pour autant ce chemin temporel fait à rebours s’essaie de guérir Sano de son deuil. Koehi Igarashi s’y attelant avec la bouleversante pudeur des grands cinéastes japonais. Ceux qui glissent dans des petits riens des grandes émotions. Ainsi Super Happy Forever fait resurgir dans cette atmosphère minimaliste ou des objets faussement anodin comme cette casquette rouge, la rémanence d’un bonheur évaporé, mais pousse tout autant Sano à regarder vers l’avant, ne plus être figé dans les regrets. Super Happy Forever se faisant trajet vers la zénitude, là où rien ne s’oublie, où le poids du passé et ses douleurs muent, s’étoffent en futur plus allégé.
Segundo Premio x Super Happy Forever. En salles le 16 juillet

