La France a ses grands noms.
La disparition de Stan Barets me replonge dans les années 70 ou je l’ai connu. Il était un des acteurs ambitieux (critique, érudition, librairie, édition…) du genre qu’est la Science-Fiction, département Heroic Fantasy.
Avec « Temps futurs », il était un des fiers représentants du genre.
La fièvre de la Science-Fiction – considérée alors comme un sous-genre, une sous culture pour débiles – rejoignait l’ »Underground », ce continent chéri d’où sortait toutes nos passions : BD, Free Press, Rock et Pop, et bien sûr la S.F. classique ou spéculative.
Depuis mon arrivée à Paris en 1967, j’avais noté l’importance de ce genre, qui ne cessait de faire des émules. Du coup, je fis quelques dessins pour fanzines (Nyarlathotep, puis Galaxy et Fiction aux éditions Opta, de vraies revues avec auteurs et rares images).
Et surtout, grâce à ces fans, je découvrais Ray Bradbury, A.E.Van Vogt, Robert Sheckley, Kurt Vonnegut, Norman Spinrad, etc… Jusqu’à Philip K Dick. Humour, culot, absurde… On était loin des fusées des petits polars d’anticipation. Un vaste champ de pensée s’ouvrait à nous.
Bien sur les américains en avaient fait une littérature de gare et de fanzines, avec des images fortes et des ribambelles de films série Z.
Seule, Planète Interdite de Fred Mac Leod en 1956, inspiré de La tempête de Shakespeare, avait fait le tour du monde avec Robby le robot, et une planète idéale, avec fleurs et pin-ups en mini-jupe.
La science fiction fut enfin reconnue comme un grand genre, (avec le fantastique), et ses lettres de noblesse venaient d’une ribambelle d’auteurs excellents et originaux, qui parlaient du réel illimité du futur…
En quelques années, de Métal Hurlant à Star Wars (inspiré de la BD française Valérian dans Pilote), la Science-Fiction devint planétaire.
Les éditeurs redécouvraient les auteurs américains et anglais avec délice.
Paris était une place forte avec rencontres et conventions, et il y avait des tonnes de collectors du passé à redécouvrir : des cycles entiers à publier comme Tolkien ou Pellucidar d’Edgar Rice Burroughs*, car la SF avait acquis le droit de flirter avec le fantastique, l’histoire , les civilisations oubliées, les mondes perdus .
On peut dire qu’après les pionniers des années 60, les années 70 furent en France un âge d’or très vivant de la Science-Fiction. Il y avait déjà eu Barbarella de Jean Claude Forest, ou Orion de Robert Gigi, puis vinrent des dessinateurs comme Philippe Druillet puis Moebius, et tous leurs fans, avec qui l’envie d’évasion et de rêve était à son paroxysme et les limites du genre élargies.
Même la musique fut touchée, de Magma au rock allemand, en passant par les envolées du rock progressif anglais.
Message reçu par l’industrie du spectacle et sa grosse cavalerie. Aujourd’hui nous avons tous une galaxie personnelle dans la tête.
* Pellucidar fut notamment publié par « Temps Futurs » donc Stan Barets.