Soirée puis marque déposée, la danse Tecktonik continue de nourrir un mouvement plus global, celui de la danse électro.
Nous sommes partis sur les traces de la Tecktonik, cette soirée devenue marque déposée et phénomène culturel à part entière, sur-médiatisée et si souvent raillée dans les années 2000. De la Tecktonik, en 2018, que reste-t-il ? Réponse en vidéo.
À l’origine : le hardstyle
En 2002, le Metropolis – un club gigantesque qui a élu domicile à Rungis, dans le Val-de-Marne – accueille la première soirée Tecktonik Killer. Un évènement qui bâtit rapidement sa réputation sur sa bande-son : du hardstyle, un dérivé de la techno caractérisé par un taux élevé de BPM. « Des amis DJ nous ont expliqué qu’il se passait quelque chose de fou en Hollande : le hardstyle. Nous on en avait jamais entendu parler » explique Alexandre Barouzdin, co-organisateur à l’époque des soirées Tecktonik Killer.
Il poursuit : « On s’est dit : pourquoi ne pas ramener cette musique dans nos soirées pour la faire découvrir à notre clientèle. Et finalement, c’est en parallèle de ce style musical que les danseurs ont participé au phénomène ». À l’époque donc, la Tecktonik, ce n’est que ça : une soirée qui rassemble les jeunes du Val-De-Marne et des alentours.
À l’époque du Metropolis on portait des guêtres fluo et on s’amusait avec la lumière noire à faire comme des bolas
Mais rapidement, les choses s’accélèrent et la Tecktonik déferle sur toute la France. Parmi ceux qui la dansent, il y a notamment William Falla qui devient, sous l’alias Treaxy, l’égérie de la marque Tecktonik à une époque où le mouvement vit ses plus beaux jours. « À l’époque du Metropolis on portait des guêtres fluo et on s’amusait avec la lumière noire à faire comme des bolas, à faire des mouvements circulaires et à dessiner dans son espace ». Comme une rockstar, Treaxy se retrouve invité sur les dancefloors de nombreux clubs français : « pendant trois bonnes années j’ai fait la France en long et en large. On a fait tous les clubs de France ! »
En 2007, le succès des soirées Tecktonik Killer pousse ses organisateurs, Alexandre Barouzdin et Cyril Blanc, à déposer la marque Tecktonik. Le mouvement s’intensifie. Le business rentre en jeu, avec son logo, ses vêtements, ses codes, ses produits dérivés – et ses dérives. À l’époque, Youtube et Dailymotion remplacent MSN et les Skyblog, et les premières vidéos de danseurs postées sur ces plateformes sont portées par un phénomène nouveau et inattendu, celui de la viralité.
Du Métropolis à la cour de récré
« On ne comprenait rien de ce qui se passait » explique Alexandre Barouzdin. Le mouvement échappe ainsi à ceux qui l’ont vu naître : la Tecktonik se diffuse partout en France, dans les rues, les cours d’école, les parvis de centres commerciaux et ne se restreint plus aux murs du Metropolis. Et c’est peut-être cette viralité qui causera la perte du mouvement. « Ce qui a vraiment desservi la Tecktonik, c’est une sur-médiatisation et une infantilisation de la marque. À partir du moment où une marque est récupérée par des gamins très jeunes, les premières personnes qui t’ont suivi ne se retrouvent plus dans une clientèle qui a 5 ou 6 ans…parce qu’on en était quand même arrivé là. »
Ce qui a vraiment desservi la Tecktonik, c’est une sur-médiatisation et une infantilisation de la marque
Les danseurs du Metropolis, dépassés par la foule qui se masse aux portes de la boîte, s’émancipent eux aussi de l’institution, et commencent à sortir dans d’autres clubs parisiens. Des lieux dans lesquels se développe depuis plusieurs années déjà, parallèlement au mouvement Tecktonik et sans trop faire de bruit, la danse électro. « C’est une danse qui était davantage basée sur le style », explique Jimmy Medina aka Milliard, l’un des premiers danseurs électro. « Les danseurs du Metropolis sont venus dans des boîtes un peu plus électro, et ont ramené leurs mouvements ». De cette rencontre entre les pas de hardstyle et ceux du clubbing naîtra le Vertigo. Trois genres distincts qui appartiennent en vérité à un même ensemble, celui de la danse électro qui se structure en 2007 avec ses premières grandes battles. Une danse qui se nourrit aussi du voguing, de hip-hop ou de house, et qui aujourd’hui encore poursuit son développement en France, en Belgique mais aussi et surtout à l’étranger, au Mexique et en Russie notamment.
La danse électro comme héritage ?
Là-bas, la danse électro ne souffre pas de son héritage encombrant et n’a pas été ternie par les dérives sur-médiatiques de la Tecktonik. D’ailleurs où en sommes-nous en France aujourd’hui ? Si la marque et les soirées Tecktonik ne sont plus, les mouvements qu’elle a contribué à créer continuent eux d’influencer les danseurs électro du monde entier. Comme si ce mouvement, pour perdurer et se souvenir de ses origines, avait dû prendre de la distance avec les projecteurs qui lui avaient permis, il y a longtemps, d’être mis en lumière.