Le neuvième sommet le plus haut du monde et une source de fascination inépuisable pour les alpinistes.
La chronique Sport, c’est tous les mardis à 8h45 avec Barnabé Binctin dans Pour que tu rêves encore, la matinale de Radio Nova. Vous pouvez lire la chronique de ce mardi ci-dessous, ou bien l’écouter en podcast.
Dans l’Himalaya , le Nanga Parbat est le neuvième sommet le plus haut du monde (8 126 mètres !), mais aussi une source de fascination inépuisable pour les alpinistes. Il est l’un des « 8 000 » les plus compliqués et les plus exigeants à atteindre – ce qui lui vaut d’ailleurs le surnom pour le moins explicite de « Montagne tueuse ». De fait, plus d’une trentaine d’alpinistes y sont morts avant que l’on ne parvienne enfin à son sommet pour la première fois, en 1953.
Elisabeth Revol, exploit et drame
L’année dernière encore, un alpiniste y est resté après avoir atteint la cime. C’était il y a exactement un an, le 25 janvier 2018. La Française Elisabeth Revol atteignait le sommet, devenant ainsi la toute première femme à réussir l’ascension en hiver. Un exploit aussitôt transformé en drame, lorsqu’il s’avère que son compagnon de cordée, le Polonais Tomas Mackiewicz, souffre du mal aigu des montagnes, ce syndrome lié à la haute altitude. Devenu presque aveugle, les pieds et les mains gelés, du sang s’écoulant de la bouche, il est alors incapable de redescendre et, après l’avoir porté jusque dans une crevasse, 800 mètres plus bas, Elisabeth Revol, 1m56 pour 40 kilos, est obligée de le laisser pour tenter de sauver sa peau.
Elle s’en sort au prix d’un effort surnaturel et d’un sauvetage inédit : après avoir descendu 1 000 mètres de dénivelé, toute seule, sans sommeil ni alimentation pendant 35 heures, à – 50°C, elle est finalement secourue par une expédition héliportée, avec deux alpinistes polonais, parmi les tous meilleurs du monde. C’est une opération de secours sans précédent, car il est très difficile de voler aussi haut dans de telles conditions. Elle est suivie en direct dans le monde entier, et même financée par une cagnotte participative sur internet.
Sauvetage critiqué
Pourtant, ce sauvetage in extremis a été largement critiqué, notamment en France. D’abord parce que l’alpinisme reste une activité assez marginale dans l’hexagone, par rapport à l’Italie ou à l’Allemagne, par exemple, qui comptent beaucoup plus d’adeptes.
C’est donc un sport sûrement moins compris, on reproche souvent aux alpinistes d’être des « trompe-la-mort » ou des « conquérants de l’inutile », en pointant du doigt l’absurdité d’une telle prise de risque. Ce à quoi ceux-ci répondent souvent que la prise de risque fait partie de la nature humaine et qu’elle est concomitante à l’histoire des sociétés.
Dans une interview publiée dans le dernier numéro de Society, Claude Gardien, journaliste et auteur du livre Les nouveaux alpinistes, explique que la pratique est comme un pas de côté dans le contexte ultra-sécuritaire : « Aujourd’hui, on a des airbags tout autour de nous qui nous protègent : des assurances, des règlementations, des normes, etc. Mais la critique permanente du risque dans nos sociétés est une forme de décadence, car c’est la non-prise de risque qui est une déviance. »
Et maintenant ?
Elisabeth Revol, quant à elle, continue d’être soignée, elle a dû être amputée aux mains et aux pieds, mais les séquelles sont aussi mentales. La revue XXI livrait un récit très sensible de toute cette histoire et de ses conséquences, dans son numéro d’automne – dont on ne peut que recommander la lecture.
Il lui faudra du temps, mais Elisabeth Revol retournera probablement un jour en montagne, peut-être dans l’Himalaya. En attendant, cela n’a pas découragé d’autres alpinistes d’aller affronter à leur tour l’éperon rocheux : en ce moment même, l’italien Daniele Nardi et le britannique Tom Ballard sont lancés dans l’ouverture d’un tout nouvel itinéraire – une nouvelle voie comme on dit dans le jargon – pour atteindre le sommet du Nanga Parbat.
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