On connait plus d’un Jean-Bradley, tout déguisé et empenné, qui aurait lancé en guise d’accroche flageolante : « De tous temps, les hommes ont entretenus une affinité particulière avec leurs compagnons gallinacés ». Des poulets et des hommes : depuis les comicos pas vraiment du goût de Ladislas Colère jusqu’aux fast-foods en -FC du cours de la Marne, ce ne sont pas les exemples qui manquent pour attester de cette liaison. Mais il serait préférable d’avoir le coeur un brin mieux accroché si vous voulez prendre un siège du côte de l’Utopia. Car c’est à la danoise que la Lune Noire entend cette fois-ci vous voler dans les plumes. Genre ? Genre !
Comme on n’est pas des sagouins prêts à vous jeter derechef dans le bec des volatiles, on va quand même vous filer quelques phrases de synopsis. À la mort de leur père, Gabriel (David Dencik) et Elias (Mads Mikkelsen), deux frères au tempérament versatile, apprennent qu’ils ont été adoptés. Leur véritable paternel est un généticien du nom de Thanatos réfugié sur l’île d’Ork, au sud du pays. Pas la peine de chercher cette île sur Google Earth : elle est aussi fictive que la Palombie ou la Terre du Milieu. Et heureusement en un sens, car la population locale est loin d’être jojo, à commencer par le père et les trois autres frangins de nos deux anti-héros.
Sorti en 2015, Men & Chicken marquait le retour derrière la caméra, après dix ans d’absence, du réalisateur et scénariste danois Anders T. Jensen. Un metteur en scène aux méthodes peu conventionnelles : toute la première semaine de tournage a ainsi consisté pour les acteurs à se bazarder des animaux empaillés et des objets divers à la tronche.
Réadaptation plutôt libre de L’île du Docteur Moreau portée notamment par un méconnaissable Mads Mikkelsen (l’acteur fétiche d’Anders T. Jensen), on retrouve dans Men & Chicken cette même figure du scientifique retiré du monde, affranchi du surmoi éthique, et dont la soif d’expérimentations le pousse vers aux confins de l’eugénisme. Mais le canevas d’H.G. Wells tourne vite ici à la farce, une farce vrillée par un humour d’un noir à faire pâlir Soulages dans sa piaule ruthénoise, avec cette ribambelle de freaks fous à lier s’ébattant dans un chaos grotesque.
Un humour acide auquel certains n’ont pas été sensibles, taxant le film de discrimination, au motif que les personnages dépeins à rebrousse-plumes sont tous affublés d’un bec de lièvre. Une bisbille à laquelle le réalisateur répond : « Je ne cherche à offenser personne, il s’agit plus pour moi de créer un lien physique entre les personnages pour signifier leur appartenance à la même famille. Mais globalement, il est très difficile de faire ce genre de comédies sans froisser qui que ce soit »
Alors, pour ceux qui n’ont pas peur d’être piqué par quelques ergots sur la crête de la comédie trash scandinave, vous savez où ça se passe …
Lune Noire : Men & Chicken, d’Anders T. Jensen, le mardi 5 mars à 20h45 @ Cinéma Utopia (Bordeaux)