La chronique de Jean Rouzaud.
J’ignorais qu’il y avait des historiens spécialistes des brigands, et même que ce domaine était sujet à controverse. Car certains excusent les bandits, d’autres pas.
Le bandit ? Sujet à controverse
Les Éditions de La Découverte re-publient un livre, traduit de l’anglais, intitulé Bandits, écrit par un professeur d’université de Londres, grand historien du XXe siècle, Eric J. Hobsbawm.
On y apprend que la naissance des bandes de voleurs a une bonne raison, souvent la même. Les grands États ont de grands territoires, ces territoires ont des zones blanches, lointaines, inexplorées… Ces États-nations finissent un jour par vouloir contrôler ces provinces, et envoient alors gouverneurs ou policiers, shérifs et soldats. Généralement, ces responsables se conduisent mal et, à force d’abus de pouvoir ou d’impôts, ils amènent ces populations à se révolter…
Le XIXe siècle fut l’apogée de ces bandes de rebelles, au moment ou bien des pays avaient enfin la possibilité de contrôler (mal ?) leurs régions lointaines, jusque-là souvent oubliées.
C’est là que les maquis, jungles, montagnes, déserts, trouvent leur utilité de planques, de retraite pour ces groupes de rebelles, souvent aidés par la population locale, dont ils sont issus.
Ce sont, selon Hobsbawm, des « bandits sociaux », sorte de Robin des Bois qui tentent de faire reculer les dictatures locales, volant et bien sûr combattant les milices étrangères envoyées par l’État.
Bandits justiciers
Ils deviennent alors souvent des héros, des mythes, ces bandits de grands chemins rétablissant la justice, donnant aux pauvres ce qu’ils prennent à l’État, aux collecteurs d’impôts et autres taxes.
Nous avons tous entendu parler des bandits sardes, corses, albanais, siciliens, espagnols, mais aussi des Dacoïts en Inde, des Haïdoucs en Europe centrale, des hors-la- loi du Far West, des Mescaleros du Mexique, et des fameux Cangaceiros du Nordeste brésilien… Tous ces personnages hauts en couleur, souvent anciens bergers ou paysans, se doivent d’adopter des manières et des apparences fortes, frappantes, afin d’imposer leur autorité.
Un magnifique passage du livre décrit en détail la tenue de Lampiao, grand chef Cangaceiro (voir les films brésiliens : O Cangaceiro, ou Dieu noir et diable blond, ou Antonio das Mortes…), dont le raffinement est notable : sur leurs culottes de peau, boutons d’argent, chapeau orné et brodé d’étoiles d’argent, armes incrustées de métaux et argent ciselé, bijoux, et même quelques pierres précieuses enchâssées dans la ceinture ou le couvre-chef.
De même pour ces fameux Haïdoucs de Roumanie, Bulgarie, Carpates… Vêtus comme des cosaques, bottés, couverts de tissus précieux, bordés de galons d’or et d’argent, bardé de peaux, fourrures et cuir, rehaussés de fils d’or, d’argent et d’incrustations…
Éternel combat
Le bandit doit porter beau pour sa légende, et il y a également des femmes bandits, chefs même, tout aussi spectaculaires, vêtus en homme et en combattantes, armées jusqu’aux dents.
Cette étude, couvrant presque le monde, et les périodes les plus importantes de l’histoire des brigands, mafias, gangsters ruraux, nous laisse rêveurs devant cet éternel combat, en train de disparaître petit à petit (mais les pirates du détroit de Malacca, d’Indonésie et des Philippines se portent bien, ainsi que ceux de la corne de l’Afrique…)
Aux Caraïbes se développe également une piraterie due à la contrebande et aux yachts de touristes, trop faciles et tentants à piller.
Ces grands révoltés deviennent souvent de grands tueurs aux abois, avant d’être tués eux-mêmes, quand le pouvoir menacé envoie la troupe en force pour les traquer, sans oublier les trahisons monnayées, qui jalonnent l’histoire.
Morts ou vifs est la morale finale.
Les bandits. De Eric J. Hobsbawm. Éditions La Découverte. 170 pages. 11 euros
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