La rock’n’roll attitude ? Une histoire de mise en bière (belge).
Ce qui attire l’oeil chez les frères Malandrin, c’est d’abord les titres de leurs films. Où est la main de l’homme sans tête, Ca m’est égal si demain n’arrive pas ou Je suis mort mais j’ai des amis, c’est déjà des invitations vers un univers, une patte singulière.
Il se confirme quand Guillaume et Stéphane Malandrin ne font pas les choses comme les autres quand on sait qu’ils sont français mais tournent des films belges.
Et pleinement belges quand Je ne suis mort mais j’ai des amis réunit, entre autres des acteurs flamands et wallons, autour d’un sens de l’amitié à toute épreuve ou presque.
En l’occurrence Bouli Lanners et Wim Willaert, en membres de Grand ours, un groupe de rock à l’ancienne. Ils étaient prêts à reprendre une tournée de bières et de frites mayonnaise pour fêter leur départ en Californie pour une série de concerts quand leur pote chanteur meurt accidentellement.
Ce n’est pas une raison pour en rester là : Yvan et Wim décident d’honorer leur tournée américaine et d’embarquer les cendres de leur ami de toujours avec eux, quitte à le poser sur un tabouret devant un micro pendant les sets.
Les bagages s’alourdissent quand ils doivent y ajouter Dany (Lyes Salem), l’amant du chanteur dont ils viennent de découvrir l’existence. Tout est bouclé pour un road-trip qui va forcément aller de traviole, prendre des chemins buissoniers.
En route on croisera des inuits, prendra des trains, des bitures, fumera des gros joints et on évoquera Pete Best, le malheureux 5e Beatle. Le tout pour emballer la chronique d’un deuil. Mais pas forcément celui que l’on pense.
Ici, c’est surtout celui des idéaux pour un génération de rockers old school jusqu’au bout de leurs barbes fournies qui se dessine peu à peu. Je suis mort mais j’ai des amis, n’a rien contre la déconne – bien au contraire, on a même droit à des vannes absurdo-potaches à base de vomi ou de belles rasades d’humour noir- mais c’est un ton plus doux-amer, pas loin des losers magnifiques qu’on croise dans certains films d’Aki Kaurismaki, Leningrad cowboys go america en tête.
Ces trois pieds nickelés sont d’autant plus attachants quand ils sont dans une relation très premier degré dans les rapports humains, quelque chose d’adolescent dans les bouderies et les réconciliations. Ce ne sont que des grands gosses qui s’aperçoivent qu’ils sont arrivés à un stade ou un âge où il faut malheureusement grandir.
Il y a quelque chose d’assez beau à voir Bouli Lanners admettre que les temps, les moeurs ont changé. L’acteur est aussi poilant en grande gueule bougonnante qu’émouvant quand, dans une scène, il ne peut même plus parler, même plus trouver les mots face à une réalité contre laquelle il ne peut rien.
Wim Willaert épate dans un rôle quasi inverse de compère muet mais qui n’en pense pas moins, a déjà assimilé les choses, sait désormais que ça ne sert à rien de les fuir, qu’il vaut mieux tenter de les prendre avec sagesse et conserver ici et là quelques poches de résistances, ne pas renoncer à la philosophie de vie qu’il a suivi jusque là.
Je suis mort mais j’ai des amis chemine vers cet état d’esprit, cette envie de ne pas abandonner tout esprit de rebellion tout en faisant quelques pas vers la maturité. De faire encore brûler, même si elle s’amenuise, autant que possible la flamme d’un esprit rock’n’roll.
Le film des frères Malandrin s’y réchauffe, y retrouve une chaleur humaine dans laquelle il fait bon se peletonner. Je suis mort mais j’ai des amis est avant tout bon vivant.
En salles le 22 juillet