Méconnu du grand public, Esa Williams est un des personnages-clés de l’underground musical global depuis bientôt dix ans.
Né dans la communauté malaise de Cape Town, Esa grandit dans cette grande ville de l’Afrique australe, multi-ethnique évidemment, à la croisée de l’Océan Atlantique et de l’Océan Indien. C’est à son père DJ qu’il doit une fascination précoce pour les disques de Larry Heard et autres grands ténors de la Chicago house. Une influence déterminante à laquelle s’ajoute bientôt le kwaito, variante slow-mo de la house américaine qui fleurit dans l’Afrique du Sud post-apartheid.
En 2007, Esa s’installe à Glasgow, véritable plaque tournante pour la dance music européenne où opèrent depuis plusieurs années les DJs Optimo et Jackmaster. Ses débuts en tant DJ s’avèrent plutôt difficiles, Esa peine à gagner la confiance des clubs écossais et n’a guère l’opportunité d’exprimer toute la diversité de ses influences musicales. C’est une rencontre avec Brian D’Souza, alias Auntie Flo, et Andrew Thomson, alors résident des soirées Huntleys + Palmers, qui va propulser sa carrière en Europe.
From Glasgow
Marchant dans les pas du duo Optimo et de leur résidence Espacio, Auntie Flo et Andrew Thomson inaugurent les soirées Highlife au légendaire Sub Club de Glasgow, aventure à laquelle Esa ne tarde pas à se joindre en tant que DJ résident. Initialement orientées vers des sonorités volontiers africanisantes, les soirées « Highlife » accueilleront bientôt les émissaires du label sud-américain Cómeme, le pionnier de l’acid-house indien Charanjit Singh, le groupe de rock psychédélique turc Insanlar ou encore Ricardo Villalobos, Shackleton, Actress.
Cette formidable exposition aux avant-gardes de la dance music mondiale agit comme un catalyseur pour Esa, insatiable producteur et DJ dont les premiers ébats house-techno sur son propre label Rememory Music ne tardent pas à convaincre de nombreux tastemakers. Il contribue également de manière significative au premier album d’Auntie Flo, Future Rhythm Machine, avant de lui prêter main-forte en tant que percussionniste lors de live sets endiablés.
À l’occasion d’une mini-tournée en Afrique Australe, Esa et Auntie Flo réalisent à quel point leurs nombreux voyages sont autant d’occasions manquées de collaborer avec des musiciens locaux et d’approcher les musiques traditionnelles d’un point de vue plus concret. C’est cette prise de conscience qui donne naissance au projet Highlife World Series, série essentielle de trois disques qui emmènera le duo à Cuba, au Kenya et en Ouganda. Élaboré en partenariat avec le British Council, le projet Highlife World Series est conçu comme un véritable trait d’union entre des traditions musicales locales pluriséculaires et une approche d’écriture de musique électronique délibérément tournée vers la danse.
En 2015, les deux comparses, accompagné d’Andrew Thompson, célèbre le cinquième anniversaire de l’aventure Highlife, une soirée qui les aura emmenés des clubs moites de Glasgow aux quatre coins du monde. Les chemins d’Auntie Flo et Esa se séparent, lequel rejoint une nouvelle expérience hors du commun.
Il intègre en effet la formation live du ghanéen Ata Kak en tant que maître ès boîte à rythmes. Redécouvert à la faveur d’une réédition sur le désormais célèbre label Awesome Tapes From Africa en 2015, Ata Kak est une véritable énigme de l’histoire de la musique, dont on ne sait très bien si elle n’est qu’un cas isolé ou la face émergée d’un underground global qu’il nous reste encore à découvrir. Dans tous les cas, le monde n’a pas fini de danser sur « Obaa Sima», véritable hit de b-boy d’Afrique de l’Ouest.
Aujourd’hui membre à part entière de la Worldwide family de Gilles Peterson et résident de la radio éponyme, Esa vient également de publier l’EP « Aweh », ou awareness, sur l’influent label hollandais Dekmantel. Constitué de trois titres, l’EP navigue habilement entre ses influences Chicagoanes et une dance music foncièrement orientée vers son Afrique du Sud natale.
Esa sera en DJ set ce soir à la Ganzoü, la soirée electro-voyageuse à l’initiative des collectifs Mawimbi et Grünt, en compagnie du britannique Addison Groove :