On ne mesure peut-être pas très bien, en France, à quel point l’Islandais Ásgeir est une star dans son pays natal, et l’importance de sa musique pour nombre de Scandinaves. En 2012, son premier album battait des records de vente, et près de 10% de la population islandaise s’était alors procurée Dýrð í dauðaþögn (soit plus que pour les premiers albums de Björk et Sigur Ros, à titre de comparaison…) son premier album exclusivement composé en langue islandaise auquel devait succéder des disques, cette fois, chantés en anglais, afin de toucher l’autre côté du monde et ceux pour qui la langue du pays du grand nord pouvait faire figure de repoussoir obscur. Ceux-là devaient découvrir, alors, la lumière éclatante qui émerge de cette voix qui déchire les cieux et fait couler, pour ceux qui ont le cœur mal accroché, quelques larmes, de joie ou d’autre chose, lorsque l’émotion monte un tout petit peu trop.
Ásgeir n’a alors que vingt ans, et une destinée qui, près de dix ans après, n’en finit plus de le voir s’envoler très haut dans les charts, très haut dans les âmes, très haut dans les cœurs. De cœur tiens, il est ici question, sur Bury the Moon, un album nommé comme un poème d’Egar Allan Poe et focalisé, justement, sur les ruptures qui ravagent la santé et font durcir le cœur. Durement touché par une déception amoureuse qui l’emmène bien bas et dont la chute s’avère douloureuse — c’est le problème avec l’amour, qui entraîne parfois ci-haut — et qui entraîne, pour Ásgeir, un besoin urgent de recul. Celui-ci passera par un isolement important, et par un retour dans les terres sauvages d’Islande.
Loin de Reykjavik, des mondanités et des exigences d’une grande cité urbaine, Ásgeir prend l’air, reprend son souffle, et se reconstruit, plus proche de lui-même et d’une certaine forme de vérité intérieure. Les grands timides qui sont contraints, un temps, de s’exposer — Ásgeir en fait partie — n’ont parfois pas le choix : il faut fuir les autres pour se donner la possibilité de les retrouver un jour.
Mais le folkeux islandais n’est pas Henry David Thoreau, l’auteur qui, en 1845, s’était isolé deux ans et deux mois dans une cabane qu’il avait lui-même construite, loin des hommes et d’une société qui avait, déjà, tendance à user ses ressources et sa bonne santé mentale (Walden ou la Vie dans les bois). Lors de sa retraite, loin d’être dans une autarcie totale, Ásgeir a en effet pu passer du temps avec son père Einar Georg Einarsson — grand poète local islandais, qui a contribué à l’écriture du disque — et avec le musicien américain John Grant, artiste légèrement frappé et auteur de cinq albums depuis 2018 dont le dernier, Love is Magic, paru en 2018 chez Bella Union.
En résulte donc Bury the Moon, un album dans lequel Ásgeir évoque donc sa rupture récente mais aussi son enfance, les enjeux d’une vie passée sur une île éloignée de tout. On vous a récemment joué en playlist sur Nova « Stop this Flame », titre porté par un vocodeur délicat, une chorale d’enfants, une mélodie imparable, et cette sensibilité folk qui fait de ce trentenaire l’un des plus beaux défenseurs de cette musique venue d’Islande et que l’on écoute partout ailleurs, et qui dit toujours les grandes mélancolies dont on fait les plus beaux récits de vie.
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