L’anthropologue et économiste David Graeber publie « Bullshit Jobs ». Une enquête, donc, sur les « jobs à la con ».
« On nous raconte que le capitalisme n’est pas un système très joli, qu’il crée de la misère et de l’aliénation. Mais au moins, nous dit-on, il est efficace. Ce serait même le meilleur système jamais pensé. Et moi je l’ai cru aussi. Et puis j’ai rencontré beaucoup de gens qui m’ont dit : je ne fais rien toute la journée à mon boulot. Je me suis même rendu compte que 37% à 40% des gens sentent que leur métier n’a pas besoin d’exister. Le système est vraiment complètement délirant ».
Enseignant en Anthropologie et en Économie à la London School Economist, grande voix de l’Occupy Wall Street (mouvement de contestation pacifique dénonçant les abus du capitalisme financier), David Graeber vient de publier, aux Éditions Les liens qui Libèrent, son enquête Bullshit Jobs, qui raconte ces métiers qui, comme leur appellation l’indique, s’avèrent être de véritables jobs à la con.
« Job à la con », et non pas « job de merde », précise David Graeber. Car contrairement aux « jobs à la con », les « jobs de merde », comme on qualifie ces jobs souvent mal payés, où les gens sont humilités et déconsidérés par la société, sont le plus souvent les emplois les plus utiles et les plus nécessaires à la société.
Plus il est difficile d’expliquer aux autres ce que vous faites au travail, plus il est probable que votre travail soit, en effet, un job à la con
David Graeber : « Il y a une différence très nette entre la façon dont votre emploi bénéficie aux autres et la façon dont vous êtes payés. Plus vous aidez le monde, moins vous êtes payés. On nous enseigne effectivement qu’il n’y a pas de superflus dans le capitalisme, et qui out job inutile aurait, normalement, été nécessairement supprimé. Or, ce n’est pas le cas. Certaines personnes, le plus souvent ceux qui ont le plus de gens sous leur responsabilité, n’effectuent dans les faits aucun travail véritable. »
Le plus souvent, l’employé lui-même, nous dit l’anthropologue, a la sensation que si son travail disparaissait du jour au lendemain, cela ne ferait aucune différence. Le monde pourrait même être un peu mieux.
Il poursuit. « Si vous écrivez, par exemple, des rapports que personne ne lit, vous effectuez probablement un emploi à la con, sans même le savoir. Et personne ne viendra vous le dire, puisque celui-ci sera souvent très bien payé. En fait, plus il est difficile d’expliquer aux autres ce que vous faites exactement au travail, plus il est probable que votre travail soit, effectivement, un job à la con. »
David Graeber était l’invité d’Armel Hemme, dans la Matinale de Nova.
Visuel : (c) The Wolf of Wall Street