La Maison Européenne de la Photo, à Paris, consacre au travail de Marie-Laure De Decker la plus grande rétrospective. L’occasion de revenir sur les photos de cette femme, qui ne ressemblait à personne d’autre et photographiait comme on respire : avec courage et tendresse.
Souvent en noir et blanc, parfois en couleurs, Marie-Laure de Decker mélangeait les pellicules dans ses poches de veste et prenait au hasard la première qui venait, me confiait-elle il y a quelques années.
Sur de la terre battue, une rue, des femmes voilées de blanc marchent vers l’objectif. Quelques hommes au fond. Un enfant au centre de l’image marche à contre-courant, dos à nous, tournant la tête pour offrir un regard dont l’enfance hésite à partir. Le cliché a été pris dans un camp de réfugiés palestiniens en Jordanie en 1973.
Il y a aussi ces enfants allongés sur un drap, Gaspard et Lili à Paris. La photo sent le croissant chaud, tendresse des amitiés d’enfance.
Ou, dans un supermarché d’Afrique du Sud, une femme noire portant un enfant blanc dans les bras, en train d’attraper avec souci une boite de Skip, la lessive qui nettoie plus blanc que blanc. Apartheid.
Marie-Laure De Decker, l’intimité de la photographie de guerre
Du Viet Nam ou au Tchad, les guerres sont toujours photographiées avec un déplacement d’objectif, un pas de côté. Pas d’effusions de sang, mais les explosions de tendresse que les conflits engendrent et qu’on regarde trop peu, attirés malgré nous par le sensationnel des bombes.
Que ce soit pour libérer Françoise Claustre, dénoncer la dictature chilienne, ou encore récupérer ses photos auprès de l’agence Gam, De Decker a combattu par l’objectif, dans une résistance à la barbarie des hommes, à l’injustice.
Photographier la réalité brute : regarder sans subjectivité
Marie-Laure De Decker était aussi une photographe de portraits : Orson Welles, Nelson Mandela, Françoise Sagan, Catherine Deneuve, Roland Topor… Des portraits partout, tout le temps, collecter le plus de visages possible, sans jamais se lasser.
La Maison Européenne de la Photo consacre à son travail la plus grande rétrospective, sur trois étages, qui disent une vision du monde faite d’une bonté rare, disent aussi une femme qui ne ressemblait à personne d’autre et photographiait comme on respire, avec courage et tendresse.
J’ai toujours pensé qu’une photographie, comme une peinture, était un refuge, un endroit où se projeter. Ici, dans le travail de Marie-Laure De Decker, pas de place à la subjectivité du regard, ni de celui qui regarde, ni de celui qui a pris la photo. La réalité est au-dessus de tout, et c’est à vrai dire hors du commun de pouvoir la voir en face.
Marie-Laure de Decker et la photographie comme engagement, c’est à la maison européenne de la photographie jusqu’en septembre.