Pour reprendre le fil – interrompu au printemps – de ses programmations multiples, les fins dénicheurs de Monoquini plongent dans les années 70, entre angoisse viscérale et mélancolie urbaine.
Le jeudi 17 septembre, les gazettes de l’Utopia seront pour cela plus informatives que les cartes astronomiques : c’est soir de Lune Noire ! Avec, à l’affiche, une ressortie qui tombe à pic en cette période de rentrée scolaire et d’une France supposément « ensauvagée », celle des Révoltés de l’An 2000. Bon, le titre VF ne dit finalement pas grand-chose de ce long-métrage réalisé en 1976 par Narciso Ibáñez Serrador ; aussi, on lui préfèrera l’original, ¿ Quién puede matar a un niño ?, ou même, pour les esprits friands de jeux de mots, celui choisi par les Anglo-Saxons : Death is a Child’s Play.
Car, dans cette anticipation espagnole des Enfants du Maïs (Stephen King aurait-il vu ce film avant d’écrire sa nouvelle ? Les dates semblent en tout cas concorder), les garnements de ce film, tout à leur suprématie générationnelle sur la petite île fictive d’Almanzora, ont délaissé crayons et calculettes pour manier les flingues et les surins avec un enthousiasme digne des meilleurs protagonistes de Faites Entrer l’Accusé.
Piégé par la trame de ce conte cruel qui pioche chez Hitchcock et Romero, le jeune couple en goguette devra affronter cette hydre aux mille-et-une têtes blondes – ce qui pose, particulièrement pour des jeunes parents, un évident tabou moral, ajoutant une dimension supplémentaire, quasi malsaine, à ce film. Ceux qui ont vu la gamine à la glace du Assaut de Carpenter savent de quoi je parle …
Mardi 29 septembre, le cycle Screen Test reprend lui aussi du service avec Quelque Part Quelqu’un, de 1972, premier long-métrage de Marie-Annick « Yannick » Bellon – décédée en juin 2019, à 95 ans. Présente à toutes les étapes du film (scénario, réalisation, montage, production), la cinéaste basque se révèle marquée par l’influence de Chris Marker dans ce poème citadin entre documentaire et fiction, qui met au premier plan un entrelacs de solitudes anonymes qui se frôlent, se croisent sans jamais vraiment se rencontrer.
Non loin des Halles, dans un Paris populaire en voie de disparition, la musique de Georges Delerue et les saisissants travellings passe-murailles de Yannick Bellon révèlent la profondeur des mutations à l’oeuvre : une vraie gentrification – avant que le terme ne fasse florès – qui relègue en banlieue HLM les inadaptés à la « nouvelle société » et redessine les psychologies, de la ville comme de ses habitants.
De sombres phénomènes qu’on perçoit notamment à travers le personnage de Vincent, courtier aux ambitions littéraires, rongé par l’alcool et le mal-être ; un personnage, interprété par Roland Dubillard, conçu comme un double d’Henry Magnan, le compagnon de Yannick Bellon qui se suicida quelques années plus tôt.
En septembre, ce sera donc deux salles, deux ambiances : mais, cagnard ou grisaille, gerbes de globules rouges ou bouquets mélancoliques, même pas besoin de choisir son camp. Merci Monoquini.
Plus d’informations ICI sur les cycles Ciné 16, Screen Test et Lune Noire de Monoquini.