En ce 25 novembre, jour de lutte pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Radio Nova vous propose une playlist de récits en plusieurs langues, des récit de l’emprise, de libération, au fantasme de revanche.
La manière de parler de ces violences en musique a très clairement évolué. En 1976 par exemple, dans le Requiem pour un fou de Johnny Hallyday, à l’image de l’époque, c’est le meurtrier qu’on entend :
Je n’étais qu’un fou
Mais par amour
Elle a fait de moi un fou
Un fou d’amour (…)
Je l’aimais tant que pour la garder
Je l’ai tuée
C’est ça que soulignaient les 3 musiciennes de TLC dans leur tout premier album en 1992, le morceau « His story » est limpide : on écoute souvent son histoire à lui… plutôt que son histoire à elle.
TLC – His story, les récits dominants
Lauryn Hill – I get out, celle qui s’en va
Viennent les années 2000 et leurs récits à elles justement. Comme Lauryn Hill qui écrit en 2004 “You just want to use me / You say “love” then abuse me / You never thought you’d lose me » puis plus loin « Now I’m choosin’ life”. Celle qui sort du cercle vicieux. Puis il y a celle qui est toujours coincée dans l’engrenage…
Zaho de Sagazan – Les dormantes, au cœur de l’emprise
Zaho de Sagazan avec « Les dormantes« , extraite de son album La symphonie des éclairs de 2022, se place plutôt au cœur du vortex de l’emprise, décrivant comme « Tout se passe tout doucement / Pour arriver plus facilement / Au versant noir et isolé / Qui s’y engage va certainement dévaler ». Plusieurs femmes lui ont écrit, expliquant qu’entendre ce morceau et reconnaitre sa situation a parfois été pour elles un déclic, une alerte, un coup de pouce pour partir.
Rosalia – De aquí no sales, la dispute
Cette violence se chante dans toutes les langues. En 2018, Rosalia écrivait “de aquí no sales”, traduisez « tu ne sors pas de là ». Elle décrit une dispute conjugale, et les claquements des mains du flamenco se confondent avec des bruits de claques.
RAYE – Ice cream man
En 2023 RAYE dénonce les abus sexuels subis au cours de sa vien jusque dans l’industrie musicale. Dans son titre « Ice Cream Man » dans l’album « My 21st Century Blues » un producteur de musique profite de son statut pour piéger l’artiste en studio et tenter de l’agresser sexuellement (« Tryna touch me, tryna fuck me, I’m not playing« ). Elle utilise la métaphore du marchand de glace, qui l’a attiré jusqu’à ce qu’elle sente ses mains froides : « Coming like the ice cream man, til I felt his ice-cold hands« . Il est recommandé de hurler le refrain qui dit « Im a woman / I’m a very fuckin’ brave strong woman / and I’ll be damned if I let a man ruin / How I walk, how I talk, how I do it »
BabySolo33 – Balayette, « des fois j’me sens un peu fautive / mais bon t’es quand même un fdp / et ça faut pas l’oublier »
De son côté la rappeuse BabySolo33 aborde plus frontalement la description de sa relation violente et toxique. Elle ouvre sa chanson « Balayette » en rappant « Il m’fait pleurer le jour d’mon anniversaire. C’est mon copain et mon plus grand adversaire », mais « je l’aime, donc je reste« .
Rihanna – Man Down, le fantasme de la revanche
Dans son morceau « Man Down », Rihanna fantasme la revanche d’une femme agressée qui traque puis assassine son agresseur.
Bikini Kill – Liar
Le groupe de punk rock américain Bikini Kill, précurseur du mouvement féministe riot grrrl, parle elles-aussi des violences conjugales. Dans le morceau Liar, la chanteuse accuse son père de menteur, voyant et entendant l’horreur que vit sa mère : « Betty’s got the back of her dress all ripped out. Mama’s got her face muffled/ La robe de Betty est toute déchirée dans le dos. La voix de maman est étouffée. »
Lady Gaga – ‘Til it happens to you
En 2015 avec « Til It Happens to You« , Lady Gaga signe la BO du documentaire « The Hunting Ground », qui a pour sujet les agressions sexuelles dont sont victimes de nombreux élèves sur les campus américains.
Anne Sylvestre – Douce maison
Une des manières d’aborder les violences sexistes et sexuelles dans la musique, surtout dans les années 70, est de filer une métaphore sur plus de 3 minutes. On pense à « L’aigle noir » de Barbara. Ici, Anne Sylvestre parle de sa « Douce Maison » en 1979.
Suzane – Je t’accuse
Cette année, dans son titre Je t’accuse, Suzane révèle avoir subi des violences sexuelles. Dans le clip elle exprime notamment sa gratitude à Caroline Darian, la fille de Gisèle Pelicot, d’avoir eu le courage de porter plainte contre son père. « Le procès Pelicot a contribué à libérer ma parole » a-t-elle expliqué lors de la sortie du morceau.
Camille Lellouche – N’insiste pas
Difficile de ne pas penser à cette session studio de Camille Lellouche, sur sa chanson N’insiste pas partagée en masse sur les réseaux sociaux. Le clip a été publié le 8 mars 2021 lors de la Journée internationale des droits des femmes.
Un violador en tu camino
On termine avec ce chant particulier. Dans la rue le 25 novembre 2019, simultanément à Valparaíso et à Santiago, au Chili, des femmes de tous âges, les yeux bandés avec des tissus noirs et un foulard vert noué autour du cou ont scandé ces mots cogneurs sur une chorégraphie simple, “un violador en su camino”. La performance du collectif Las Tesis a fait le tour du monde littéralement, qui dit “Le violeur c’est toi. Et le coupable, ce n’était pas moi, ni où j’étais, ni comment je m’habillais. (…) Ce sont les pacos, les juges, l’État, le président. L’État oppresseur est un macho violeur”. Des collectifs féministes traduisent les paroles et reproduisent la chorégraphie à l’identique dans des manifestations à Bogota, Berlin, Londres, Madrid, elles étaient des centaines à Istanbul en Turquie. En janvier 2020, ce slogan « Le violeur, c’est toi » est martelé par une soixantaine de femmes devant le tribunal de New York, là où est alors jugé le producteur de cinéma Harvey Weinstein, accusé de multiples agressions sexuelles.
Pour rappel le numéro d’écoute national pour les femmes victimes de violences est le 3919, accessible 24h/24 et 7j/7.

