Une bonne série B et une épatante biographie relisent l’Amérique
Le principe du gars qui tombe au mauvais endroit au mauvais moment, reste une excellente voire la meilleure base pour faire un thriller solide. Dans Last stop, Yuma County, c’est un représentant en coutellerie qui n’aurait pas dû s’arrêter dans une station service. Certes, c’était la seule ou faire le plein à une centaine de kilomètres à la ronde dans le désert d’Arizona. Mais en plus d’une livraison d’essence censée remplir ses cuves qui a pris du retard, voilà qu’y débarquent deux braqueurs de banque avec un gros magot dans le coffre. Le reste se passera en huis-clos dans le snack-bar de la station. Francis Galuppi en fait une cocotte-minute qui monte en pression. Last stop, Yuma county la faisant mijoter par des dialogues et une galerie de personnages secondaires que ne renieraient pas un Tarantino. Encore moins quand tout tourne vinaigre et à la fusillade en règles. Pour autant, c’est plutôt sur les traces des Frères Coen, première période que ce premier film s’embarque, que ce soit par la peinture d’américains profonds ou un final virant à la fable morale sarcastique. En attendant de vérifier avec les films suivants si Galuppi se hisse au-delà d’un statut de très bon élève, ce premier galop reste un début très saluable.
On aurait d’ailleurs aimé voir ce que Sam Peckinpah aurait pu faire du scénario de Last stop, Yuma county. Sans doute l’aurait-il poussé plus loin dans le portrait de civilisation américaine, lui aurait donné des teintes plus sombres. Récemment parue, une biographie copieuse du réalisateur de films fondateurs comme La horde sauvage et Croix de fer retrace le chemin d’un réalisateur singulier au point d’avoir transformé le Hollywood de la fin des années 60. Forcément, elle transforme sa vie en scénario dément, d’une enfance entre climat de western et apprentissage de la vie à la Jack London aux coulisses folles de ses tournages homériques, entre pétage de plomb, bitures et engueulades. Sam Peckinpah, le rebelle mélancolique révélant surtout comment ce réalisateur à part a redéfini les personnages du cinéma hollywoodien pour en montrer les nuances à travers des héros pouvant aussi être des salauds. Ou en rappelant que la violence selon l’Amérique n’est qu’une manifestation de son chaos moral. Le formidable travail de recherche et d’anecdotes de Gérard Camy esquissant au fil des pages un cinéaste perplexe face à la marche du monde, au point d’avoir dévoué ses films à en projeter les ambiguïtés.
Last Stop : Yuma county, en salles le 6 août. Sam Peckinpah, le rebelle mélancolique (éditions Actes SUD)

