Sorti en 1985, le deuxième opus de Sade confirme les attentes générées par « Diamond Life ». Le groupe britannique sert une anti-pop millimétrée à la croisée du jazz, du r’n’b et de la soul, où le son est travaillé en profondeur mais sans aucun artifice.
Promise, le deuxième opus du groupe, arrive seulement huit mois après la sortie américaine de leur premier album, Diamond Life, qui contient le tube “Smooth Operator”.
Le contre-pied élégant des années 80
Lorsque Promise sort en novembre 1985 au Royaume-Uni (et peu après aux États-Unis), la majorité de la musique pop britannique est définie par le Glam, les synthétiseurs et une forte production. Le groupe Sade, dont le nom désigne aussi bien la chanteuse nigériane-britannique Helen Folasade Adu que son groupe, propose alors un mélange raffiné et élégamment conçu de jazz, de funk et de soul, souvent qualifié de sophisti-pop ou de quiet storm.
Promise consolide le style unique de Sade, face aux sonorités spectaculaires de l’époque. Sade débarque tout en retenue, finesse, élégance et sophistication. La voix d’Adu est douce et sûre d’elle, agissant comme la pièce maîtresse d’une musique résolument « cool ». Cet album est considéré comme un manifeste stylistique qui n’avait alors aucun équivalent dans le mainstream.
Succès commercial et titres emblématiques
Anecdote émouvante : le titre de l’album fut inspiré par une lettre du père d’Adu, qui y mentionnait la « promesse d’espoir » (promise of hope) alors qu’il luttait contre le cancer. L’ambiance générale de Promise est d’ailleurs plus sobre que le précédent opus, avec un rythme ralenti qu’on appelle downtempo et un ton mélancolique, explorant des thèmes comme l’amour et la perte.
Promise est un succès retentissant : il atteint la première place des charts aux États-Unis et au Royaume-Uni et est certifié quatre fois disque de platine aux États-Unis, confirmant les attentes générées par son prédécesseur. En 1986, Sade remporte le Grammy Award du Meilleur Nouvel Artiste.
« The Sweetest Taboo » est un premier single rythmé, ode légère et entraînante à un amour passionné et interdit. Il est considéré comme le morceau le plus accessible et radio friendly, taillé pour le format radio de fin de soirée quiet storm.
« Never as Good as the First Time » parle du plaisir de la découverte. Adu a précisé que le frisson de la « première fois » ne peut jamais être répété, que ce soit une relation ou la simple excitation d’aller en boîte pour la première fois.
« Is It a Crime », en ouverture de l’album, est un portrait poignant d’une amoureuse éconduite et persistante. Les aficionados la considèrent comme la chanson-type de Sade, avec ses crescendos qui rappellent un big band et son utilisation d’orgues Hammond et de djembé. Ce titre a d’ailleurs connu une seconde vie grâce à une interpolation récente du chanteur nigérian Rema.
L’album se distingue aussi par la compassion d’Adu pour l’expérience féminine, comme dans « Jezebel », où elle refuse de juger une femme de la nuit, ou « Tar Baby », qui s’attaque au racisme.
Une alchimie de groupe et une critique malavisée
L’élément central de la carrière de Sade reste l’alchimie entre les membres de son groupe (Adu, Stuart Matthewman, Paul Denman et Andrew Hale), et leur approche de l’enregistrement. Leur méthode de production s’éloignait du « programmé » de l’époque. Chaque musicien s’occupait de ses propres réglages et effets, et le mixage se faisait presque en direct pendant les prises.
La réception critique de Promise fut mitigée. Si certains, comme Steven Holden du New York Times, ont salué un « bond en avant impressionnant », d’autres, comme Anthony DeCurtis de RollingStone ont accusé Adu de détachement ou de manque de portée vocale. Rétrospectivement, ce sont justement ces tons mesurés et apaisants qui distinguent Sade. La musique du groupe est de la mood music pure, qui transporte l’auditeur sans jamais l’écraser, prouvant que la puissance n’a pas besoin de sur-sentimentalisation.
La Promesse tenue : une légende à la résonance actuelle
L’album est culte car il incarne une qualité rare : la qualité primant sur la quantité. Le groupe est célèbre pour son rythme d’enregistrement méticuleux et lent, n’ayant livré que six albums studio en 41 ans.
Sade a prouvé récemment que sa pudeur et son élégance ne l’empêchent pas d’aborder en profondeur des sujets de société. Sur « Young Lion » (2024), chanson dédiée à son fils qui est un homme transgenre, la chanteuse démontre qu’elle sait encore parler de ce qui compte : les transformations, la tendresse et l’amour sous toutes ses formes.Quarante ans après sa sortie, Promise porte toujours sa promesse de durer. La musique de Sade, tout en retenue et en élégance, a laissé une marque durable dans le paysage musical.

