Chaque été à Montréal depuis 1985, quand les thermomètres s’échauffent et que les terrasses débordent, un groove bouillonnant s’empare du quartier des spectacles.
Tous les ans, une quarantaine d’événements ont lieu dans ce quartier qui pourraient ressembler à une hybridation entre Wall Street et La Villette. Mais lorsque le Festival International de Jazz débarque tel une jam session géante à ciel ouvert, on assiste à l’une des plus grosses manifestations culturelle et populaire de la ville. Pendant dix jours, les cuivres et les percussions murmurent à l’oreille des buildings.
Ici, le jazz n’est pas en costard, coincé dans un salon feutré. Non, ici il danse dans la rue, flirte avec l’électro dans des clubs, se glisse avec le funk au sol-sol d’une église, drague un peu la soul dans un speak-easy, et invite le hip-hop pour un grand raout avec 60 musiciens. Gratuit ou payant, en salle ou en plein air, sous les étoiles ou sous les lampadaires, il y a toujours une scène qui joue quelque part.
Du 26 juin au 5 juillet 2025, Montréal s’est transformée en machine à groove avec plus de 350 concerts, dont une bonne partie en accès libre. Le festival, c’est un ballet sonore entre espaces monumentaux et coulisses intimistes. La Salle Wilfrid‑Pelletier accueille les gros noms (Nas, Mon Laferte, Ben Harper ou Jeff Goldblum & The Mildred Snitzer Orchestra). Le Théâtre Maisonneuve voit défiler Dianne Reeves ou Amanda Marshall en mode vocal soulful ou groove pop-jazz. Le MTELUS et le Club Soda proposent des sets de Bonobo, de Makaya McCraven avec Theon Cross ou Kid Koala. Et bien sûr, à la Scène TD, sur la Place des Festivals, des concerts gratuits avec notamment Elisapie, Allison Russell ou Men I Trust font danser la foule en plein air.
Nova y était et vous fait sa sélection (non exhaustive) de la semaine entre show XXL et moments précieux.
Avishai Cohen Trio with symphony orchestra
Ce fut sans conteste l’une de nos plus grandes claques au FIJM. Un dialogue entre un le trio jazz (contrebasse, piano, batterie) piloté par Avishai Cohen et un orchestre symphonique entier… Quand le groove post‑moderne du trio rencontre la majesté orchestrale dans un cocktail épique.
Le spectacle An Evening with Avishai Cohen Trio with Symphony Orchestra – Two Roses est une expérience presque paradoxale : intime et pourtant grandiose. La contrebasse d’Avishai joue à la star de cinéma, son chant (en hébreu, en ladino ou en anglais) raconte des histoires ancestrales, tandis que l’orchestre tisse des tapis de cordes et cuivres autour de la couleur folk‑jazz du trio.
Kiefer
Ce soir-là, Kiefer, pianiste et producteur de Los Angeles signé chez Stones Throw, a offert une performance saisissante, fusionnant jazz, R&B, hip-hop et électro. Accompagné de son groupe — batterie, basse et claviers — une atmosphère chaleureuse et décontractée, invitant le public à se laisser porter par ses mélodies solaires et son groove singulier et progressif. Le Gesù, théâtre intime de 400 places, niché sous une église, a permis une proximité rare avec le musicien.
RJD2
Aux carrefours du hip-hop, du funk, du psychédélisme et des génériques oubliés de séries télé, l’alchimiste RJD2 était de passage au Club Soda ce 1er juillet. Hyper prolifique dans les années 2000’s, il n’a rien perdu de son énergie et sa créativité. Il fait dialoguer MPC, platines et mélodies de travers avec une élégance rare. Il fait tout (ou presque) en solo : aux machines, aux platines, aux claviers parfois, entre rétrospective généreuse et excursions dans son dernier album Visions Out of Limelight.
Thundercat
Le fantasque Thundercat, figure emblématique du funk jazz intergalactique, était de la partie ce 1 juillet. Bassiste virtuose à six cordes, chanteur à falsetto céleste et explorateur sonore entre jazz-fusion, R&B progressif et pop surréaliste, il a littéralement mis la salle Wilfrid‑Pelletier dans un état de trans collective.
Ben Harper
Ben Harper, chantre universel du folk, blues, reggae et rock, manie la guitare bottleneck avec une justesse émotionnelle rare. Multi‑grammys, voix soul et engagement spirituel : il incarne une musique à la fois brute et raffinée, imprégnée de justice sociale et d’humanité. On garde encore un souvenir ému de son live dans la matinale de Nova en 2018. Il a investi la Salle Wilfrid‑Pelletier de la Place des Arts, dans une atmosphère sobre mais vibrante, en formule solo où piano et six guitares disposées en arc de cercle attendaient son geste musical. De l’une à l’autre, il passe sans rupture.
The Cat Empire
Souvent comparés aux Red Hot Chili Peppers de la scène ska-rock, The Cat Empire, originaire de Melbourne, mélange jazz, funk, ska, reggae et influences latines pour créer une véritable fête sur scène. Le groupe, mené par Felix Riebl et Ollie McGill, présentait leur nouvel album Bird in Paradise ce soir-là auMTELUS. C’était sans conteste l’un des concerts les plus survoltés de cette édition 2025 du FIJM.
Kazy Lambist & Sophie Royer
Deux grand.e.s habitué.e.s de l’antenne de Radio Nova, Kazy Lambist & Sophie Royer (en première partie) étaient aussi de la partie. Au mythique Club Soda ce jeudi 3 juillet, groove doux et atmosphère planante se conjuguent avec une étonnante complicité. Voix flottantes, basse sensible et textures électroniques organiques. Encore une soirée singulière dans ce festival qui explore décidément toute les arborescences du jazz jusque dans ses branches électro-pop vaporeuse et lascive.
Misc
Le trio montréalais, piloté par le pianiste Jérôme Beaulieu, fait rayonner depuis plus de quinze ans son jazz audacieux pigmenté d’électro, pop et rock. Aux (célèbres) Foufounes Électriques ce 3 juillet, le groupe célébrait la sortie de son album Beat Bouquet dans une ambiance à la fois underground et festive. Un set intense où rythmes enlevés, textures électroniques minimalistes et mélodies sinueuses s’entrelaçaient dans une configuration pensée comme un ring de boxe avec le public autour et au-dessus du groupe.
LARA SOMOGYI + JEAN-MICHEL BLAIS
Lara Somogyi & Jean‑Michel Blais, un duo d’exception où la harpiste électronique et le pianiste néoclassique improvisent ensemble, ont donné naissance à désert, un album intime et improvisé en hommage aux contrastes du jour et de la nuit. Le 5 juillet 2025 au Gesù ,(c’est dans l’église rappelez-vous), pour deux showcases exceptionnels (18 h et 22 h30), ils ont invité le public à une expérience sonore unique : sans setlist prédéfinie, chaque performance était une improvisation renouvelée, une exploration à fleur de peau des textures sonores tissées par harpe et piano.
Dhafer Youssef
L’envoûtant maître de l’oud et chanteur tunisien, Dhafer Youssef fait vibrer un jazz world où mysticisme soufi, héritage arabe et audace contemporaine se rencontrent. Virtuose respecté internationalement, il dialogue avec les traditions orientales tout en explorant des territoires sonores mêlant jazz fusion, funk et électronique élaborée. Il a investi la Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, offrant un concert à la fois puissant et intime. Meilleure façon de clôturer cette formidable édition du FIJM 2025.

