Slasher moins neuneu que d’habitude ou découverte d’une cinéaste hollandaise essentielle, la semaine ciné est une belle moisson.
Si la France reste un pays idéal pour les cinéphiles, pouvant découvrir plus de films et réalisateurs du monde entier qu’ailleurs, certaines productions restent encore à défricher. Comme le cinéma hollandais, assez rarement distribué chez nous. À tort quand il regorge de cinéastes à la personnalité forte. De Marleen Gorris, on ne connaissait jusque-là qu’Antonia et ses filles, Oscar du meilleur film étranger 1996. La chronique de quatre générations de femmes n’était pourtant que la révélation tardive de la partie émergée d’un iceberg de cinéma néoféministe. Découvrir aujourd’hui Le silence autour de Christine M et Miroirs brisés, réalisés au long de la décennie précédente, est d’autant plus stupéfiant. Chronique du procès de trois femmes ayant assassiné un commerçant ou traque de pensionnaires d’un bordel par un tueur en série, Le silence de Christine M et Miroirs brisés, fait la jonction entre les univers de Fassbinder, Chantal Akerman et Paul Verhoeven par la recension d’une identité féminine opprimée. L’alliance entre naturalisme et dézingage des diverses autorités (masculine, mais tout autant religieuse ou bourgeoise) renforçant une colère noire à leur égard. Gorris leur opposant un féminin ayant la force d’une solidarité, mais aussi la capacité de s’immiscer dans les codes (du thriller comme du film de procès) pour revendiquer le droit à une considération. En attendant l’apparition en France d’autres films (The last island, Carolina…) tout aussi sidérants, de Gorris, Le silence autour de Christine M et Miroirs brisés restent bien une aussi impressionnante que tardive révélation.
À sa manière, La nuit des clowns donne aussi dans l’anti-conservatisme. Certes à un niveau beaucoup moins véhément, mais cette revisite du film d’horreur pour ados s’essaie à lui enseigner les manières modernes. Notamment via son personnage principal, une étudiante fraichement débarquée dans une petite ville du Missouri. Si Quinn s’intègre vite à une bande, les cadavres commencent à s’accumuler dans le coin, décimés par des clowns. Tout ça pourrait mener à un slasher aussi classique qu’ennuyeusement anonyme, mais Eli Craig s’en détourne par une écriture estompant les habituels stéréotypes. L’effet de surprise n’étant pas dans des jumpscares mieux amenés que d’habitude, mais dans des nuances inattendues ou le refus de radoter le discours méta-imposé depuis la saga Scream. Pour preuve cette altercation entre un tueur et des ados, reprochant à cette génération de se croire toujours plus malin que la sienne. En étant à la fois respectueux du genre, mais en lui insufflant ici et là des notes progressistes, La nuit des clowns parvient à joliment faire tomber le masque.
Le silence autour de Christine M, Miroirs brisés x La nuit des clowns. En salles le 20 août.

