Au Népal ou dans l’Amérique rurale, la condition féminine reste une friche
Mais qu’est-il arrivé à Agnès pour qu’elle soit tant en retrait du monde ? Quasi recluse dans une grande bicoque dans un coin paumé de la Nouvelle-Angleterre, la trentenaire, prof fraichement en poste, ne voit pas grand monde si ce n’est de temps en temps sa meilleure amie. Sorry, baby met donc en sourdine un traumatisme qui sera à peine énoncé. Sans doute parce que le premier film d’Eva Victor s’évertue surtout à explorer le temps de la reconstruction. Avec la belle idée de passer par la douceur, l’évènement fondateur entrera dans le champ comme une effraction dans la chronique presque aérienne du quotidien d’une femme qui doit faire, vivre avec ce qu’elle a vécu. Sorry, baby faisant l’inventaire de ce qui a sortir la tête hors de l’eau comme ce qui persiste à la mettre dessous. Eva Victor jouant admirablement en sourdine l’état mental d’Agnès, qui fait ce qu’elle peut pour reprendre le dessus. Que la réalisatrice tienne ce rôle ajoute à un sidérant réalisme au processus égrené. Focalisé sur une introspection, Sorry, Baby s’ouvre peu à peu vers l’extérieur, accompagne patiemment vers un retour à la vie, entre autre par des pointes d’humour glissant de l’acerbe au tendre, du désabusé au rieur. À l’image d’un film émouvant quand il semble lui-même s’éveiller, s’extraire progressivement du cocon où il se calfeutrait pour mettre le nez dehors.
Pooja, Sir est plutôt du genre à mettre les pieds dans le plat. L’enquête d’une inspectrice népalaise sur un double kidnapping d’enfant ouvre tous les dossiers de discriminations. Rapports de classes, de hiérarchie ou de sexualités encadrent ce polar qui bouscule les procédures en ne refusant jamais un détour, que ce soit pour revenir sur une crise inter-ethnique qui secoua le Népal en 2015, l’impossibilité d’intégration pour certaines minorités ou une domination masculine. Plus que la course contre la montre pour retrouver les enfants, c’est cette vision en coupe d’une poudrière sociale permanente qui nourrit une tension de tous les instants. Deepak Rauniyar y ajoutant des sous-couches courageuses pour un film issu de cette partie du monde, que ce soit par des allusions à la cause LGBT ou la relation conflictuelle avec une Inde tout juste passée sous l’administration de Narendra Modi. Plus surprenant encore, même s’il reste guidé par le désarroi de cette femme-flic pugnace, Pooja, Sir ne vise pas qu’à un état des lieux . Son envie de désescalade s’installe dans certaines séquences, de l’irruption policière dans une manifestation religieuse à une tentative de conciliation avec les kidnappeurs. Pooja, Sir trouvant sa force dans un autre rapport que celui de l’enquête par son saisissant portrait sociopolitique.
Sorry Baby x Pooja, Sir. En salles le 23 juillet

