Ce professeur de lettres parisien, auteur d’un second roman surréaliste, prédit l’empire des « êtres souples, légers, aériens » dans des villes de marbre rose, réponse émouvante à l’homophobie ordinaire.
« Mon cœur battait fort de ne pas savoir ce que je venais de découvrir et qui ressemblait – sans l’être – à une sorte de pièce de monnaie, molle et irrégulière, ou plutôt à un petit organe de souris, comme un estomac ou une rate. Je me suis dit que cette chose devait être un objet de valeur, un objet important (…) » Publié cette rentrée aux éditions Christian Bourgois, le second roman de Grégory Le Floch, De parcourir le monde et d’y rôder, suit les turpitudes épiques d’un narrateur (vigile anonyme conçu comme une « porte ouverte ») qui entend bien restituer à son propriétaire cette chose trouvée sur le trottoir, qui lui crie de se rendre à Vienne, en Autriche. Dans le train, on l’insulte de « sale pédé » et il s’enfuit, trouvant refuge dans un compartiment où pleure un bébé, qu’il jette par la fenêtre avec les remerciements de la maman. « Immédiatement après, il y a eu un calme fantastique. J’ai senti que j’obtenais enfin un résultat, mon premier résultat, et je l’ai savouré avec intensité. »
Cette « chose », est-ce une pierre philosophale, un fétiche africain, un énorme calcul biliaire ou une « pelure d’orange, séchée et recousue », fragment perdu d’une œuvre d’art en forme d’« évocation évidente et néo-conceptuelle des homosexuels noirs dans un contexte néo-urbain » ? Son enquête surréaliste, pullulant de scènes improbables, le fera arpenter un monde souvent brutal. L’auteur, professeur de lettres parisien de 34 ans, remarqué en 2019 pour son roman Dans la forêt du hameau de Hardt, prédit donc pour Nova l’empire des « êtres souples, légers, aériens » aux cheveux très longs, ceux et celles qui possèdent « des ailes accrochées aux chevilles », vêtus de soie et de lin dans des villes de marbre rose, vert ou bleu, comme une réponse lyrique à l’homophobie ordinaire. « Sortir dans la rue, ce serait comme entrer dans une église baroque : tout sera exubérant, dramatique et torsadé. » Contre « les bœufs, les veaux, les salauds », « ceux qui vous frappent et qui vous étranglent », Grégory Le Floch réclame le règne de la délicatesse.
Image : Laurence Anyways, de Xavier Dolan (2012).
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