Qu’est ce qui fait les beaux mélos ? Un goût pour l’humanité…
Patrick Wang doit avoir un truc avec la mort. L’an dernier on découvrait tardivement en France In the family, son premier film ou la disparition soudaine d’un gay déclenchait une situation de crise pour son conjoint, désormais juridiquement incapable d’avoir la garde du fils de son amant.
La mort sert aussi de point de départ de son second long-métrage. Cette fois-ci, c’est celle d’un bébé qui n’a vécu que quelques heures qui va dérégler une famille. Ricky et John sont dévastés par ce décès mais plus encore par ses dégâts collatéraux, tout ce qui va remonter à la surface. Elle se trouble avec l’arrivée de Jessica, la fille que John a eu d’un précédent mariage qui a quitté son foyer à cause d’une grossesse inattendue.
Ajoutons-y qu’elle va commencer à tourner autour de Gordie, un mec du voisinnage qui est encore marqué par la mort récente de son père au point de continuer à habiter dans sa maison, ou que les autres enfants adolescents de John et Ricky ne vont pas très bien, et on a sur le papier la matière pour un bon gros soap opera pétri de rebondissements ou un film indépendant moraliste qui aurait déja réservé sa place au festival de Sundance
Sauf que ce n’est pas du tout dans la ligne de mire de Wang. il vise plus un mélo moderne. Les secrets des autres prolonge cette piste d’In the family, pour l’épurer. Le film précédent prenait son temps (presque trois heures) pour s’installer, celui-ci condense en une heure de moins, autant d’émotions circuler devant une caméra qui est toujours à la bonne place pour laisser de la place à cette famille et ses douleurs muettes.
Ce que raconte Les secrets des autres a beau être d’une certaine violence psychologique, la mise en scène garde toujours son calme, laisse sa toile se tisser autour de John, Ricky et les autres, laisse apparaître imperceptiblement dans des discussions ordinaires ou des évènements du quotidiens, les fissures.
Mine de rien, ce dispositif, hyper intime fait place à des questionnements plus collectifs (La bonté a-t-elle encore de la place dans un monde individualiste ? Les femmes ont-elles le droit de disposer de leurs corps comme elles l’entendent?…). Commes si les réunions familiales devenaient sans qu’on s’en aperçoivent une agora au reste du monde.
Mieux, on ne s’aperçoit même pas à force de se sentir aussi cocooné par Wang, de l »audace de certaines séquences – par exemple, ce plan tourné du point de vue… du bébé qui va mourir, ou que la structure, intégrant des flash-backs ou des scènes qui peuvent s’interrompre pour reprendre plus tard, est bien plus complexe que son apparente fluidité. Ni que le calme apparent mue dans certaines séquences en colère, ou que des frustrations bergmaniennes grondent.
Encore moins, que l’on pris d’une énorme affection pour ces gens qui se dépatouillent de leurs dénis, de leurs non-dits, au point d’avoir souvent envie de se jeter vers l’écran pour les prendre dans les bras, les consoler.
Wang, à force de ne jamais s’immiscer, jamais juger ces personnages, y inviterait presque par la délicate bienveillance avec laquelle il filme non pas un deuil mais les adieux de chacun (à son enfance, à ses ambitions, à la confiance…).
En salles depuis le 26 août