Retour sur une rencontre.
Je l’appelais « Mon maître de radio ». Eh, oui, quand j’étais un lycéen boutonneux ( !), c’est lui qui le premier m’a tendu un micro pour causer dans le poste (et pas qu’une fois) : José Artur est mort ce samedi 24, à l’âge de 87 ans. Après Jacques Chancel, c’est la loose pour les anciens piliers de France Inter. José Artur a, quatre décennies durant, animé le salon nocturne d’Inter où l’on causait –bien- de tout, deux heures chaque soir, le « Pop Club ». Une immense longévité dans un univers suspendu à l’audimat. Avec un générique impayable chantant « 24h sur 24, la vie serait bien dure si on n’avait pas le Pop Club, avec José Artur » (plus tard, il sera remplacé par un autre, chanté par Gainsbourg/Birkin)
Ce qui m’a fait croiser la route de cet homme de culture originellement théâtre, cinéma et littérature, c’est la proximité géographique… et la musique. Parallèlement à une scolarité lycéenne vagabonde, j’organisais des concerts à la MJC de la Porte de Saint -Cloud. A ¼ d’heure à pied de la Maison de la Radio. Car avant de prendre ses quartiers au Fouquet’s dans les années 80, le Pop Club émettait en direct du Bar Noir, à l’intérieur même de la maison ronde. « Pop » en 1965 ? c’était warholien. Mondaine mais pointue, l’émission avait en cette 2° partie des années 60 une équipe de cracks, Claude Villers, Bernard Lenoir, Bernard Treton, Patrice Blanc Francard. Plus Pierre Lattès qui, programmateur fouineur, fit découvrir pour la 1° fois sur une antenne française, notamment Gil Scott-Heron et Tony Joe White. Lattès (qu’on retrouvera sur le Nova des débuts) fit bon accueil à mes suggestions : venir annoncer mes concerts jazz ou folk avec un disque, une bande, voire l’artiste, pourquoi pas pour un live.
Eh oui, déjà, en 67.- j’avais tout juste 18 ans- j’organisais 1 ou 2 concerts par mois. Du coup, j’emmenais Alan Stivell faire sa première radio, j’apportais un nouveau disque de Jean Luc Ponty (que j’avais booké en concert pour… 800 fr !) ou une bande inédite de Michel Portal. Entre deux stars de la nuit (ou du jour), José Artur me tendait le micro avec son ton chic et sa voix légèrement traînante : « nous avons avec nous un habitué du Pop Club ». Je présentais, j’annonçais… et je remplissais bien souvent ainsi les quelques 150 places de la MJC. Mais surtout, je matais son implacable aisance d’interviewer, avec une star de la pop britiche, un Prix Nobel ou… un lycéen futur « bouffeur de micro » (sur Nova depuis 22 ans, une autre longévité !). Quand, quelques décennies plus tard, à l’occasion d’un événement, d’un disque, je me retrouvais invité du Pop Club au Fouquet’s, je ne manquais jamais de rendre hommage à mon maître de micro.
José Artur s’est éteint, serait-il plus juste de dire, pour un homme de radio. Il reste à l’ex-lycéen, gravée dans l’oreille… la voix de son maître.