Un road-movie à trois réinvente l’art de la fugue. Roule ma poule…
Rectifions une erreur cinématographico-historique : contrairement à l’idée courante, le Road movie n’est peut-être pas une tradition américaine mais bel et bien française. Lili Rose le confirme en étant un enfant naturel des Valseuses et du Plein de super, modèles 70’s du genre.
La balade que vont faire Samir, Xavier et Liza part sur cette route-là, celle d’un cinéma qui veut prendre l’air, fuguer autant que se peut pour décrocher des conventions. Et roule ma poule. Et ses poussins, tant le trio formé pr cette jeune mariée affublée d’un ouvrier et d’un joueur de poker est choupinet.
Au départ c’est les deux mecs qui prennent la tangente, se laissent tenter par un week-end buissonier. Ils vont y tomber sur Liza, femme brillante mais un rien paumée. Mais pas plus que le reste du monde. Pour preuve ce premier plan qui balaie un coin perdu de France à 360°, histoire de préciser qu’il n’y a pas vraiment d’horizons pour ceux qui voudraient sortir du système.
Xavier et Samir ne sont pas des marginaux, ni des rebelles, plutôt des branleurs désoeuvrés qui s’invitent dans les soirées ou tapent dans le ballon avec les mômes sur la place du village. Liza leur tape dans l’oeil ? Ils l’invitent à tailler la route avec elle, pour aller voir la mer ou apprendre à marcher sur les mains.
Une triplette qui s’embarque sur les itinéraires bis de la campagne bretonne ? Ca rappelle forcément Depardieu, Dewaere en goguette initiatique chez Blier il y a quarante ans. Encore moins devant le côté bourru rouleur de mécanique de Bruno Clairefond ou la nervosité à peine retenue de Mehdi Dehbi.
Et puis il y a Salomé Stévenin. Pas grand chose à voir avec la Miou-Miou des Valseuses, parce que moins dans la gouaille et plus dans la douceur, mais aussi la mélancolie de celles ont failli rentrer dans le rang. Et forcément, par la filiation avec Jean-François Stévenin, et la réminiscence de Double messieurs, l’autre grand road movie libertaire français qui croise le chemin de Lili Rose
Bruno Ballouard s’est évidemment inspirée de ces films pour le sien, mais expire des choses toutes personnelles. Par des rapports plus délicats entre sa mini-bande par exemple. De quoi effleurer, caresser une sensualité progressive, douce comme une brise d’été.
Pas non plus de drame qui ferait reposer les pieds sur terre à ce triangle en cavale. Lili Rose tient à rester dans l’ivresse des petits moments d’égarements, quand plus rien n’est un souci, la liberté prenant le volant, pour conduire on ne sait où mais tant qu’on roule et qu’il y a des bière dans la glacière, tout va bien.
On peut même embarquer à bord d’autres passager comme Pierrot (Thomas Chabrol, impeccable dans le décalage) quadra un peu fantasque, qui a un peu plus de bouteille que Xavier, Samir et Liza et sait donc qu’ils ont raison de vouloir profiter de la vie, même si ça ne doit durer que le temps de cette parenthèse enchantée, savourer l’instant présent.
Tout ça prendra fin, il faudra bien rentrer. Mais par pourtant, vu la manière dont Lili Rose ne s’estompe pas après l’avoir vu, laisser ces trois fugueurs lumineux, beaux héros libres de cet automne.
En salles depuis le 22 octobre